histoire d’Avignon (Jura)

Mise en garde

Ce document sur l’histoire d’Avignon (Jura) est signé dans l’avant-propos par Monsieur L. Mayet, ancien instituteur, et date du 20 décembre 1930.

L’auteur présente dans cet ouvrage le résultat de son travail historique sur la commune, mais ce texte est aussi le reflet de l’état d’esprit de son époque et de ses opinions personnelles, dans un style d’écriture lui aussi typique de son époque. Son propos doit donc être considéré avec du recul, à la fois parce que le document a bientôt un siècle et que notre approche de l’histoire a changé, parce que l’auteur ne fournit pas de sources à l’appui de ses propos, et parce que de nouvelles découvertes historiques ont pu avoir lieu depuis son écriture dont nous n’avons pas connaissance. De plus, il évoque à la fin de son opus des faits et des personnages dont il est contemporain : le ton employé dans cette partie peut faire penser que l’auteur n’est pas totalement objectif et détaché de son sujet.

Enfin, le document comporte également des ajouts postérieurs à la date supposée de sa signature – raison supplémentaire de considérer son propos avec précaution.

Essai de Monsieur L. Mayet – décembre 1930

AVANT PROPOS

Parfois le voyageur, près d’arriver au terme de sa course, s’arrête pour jeter un long regard sur le chemin parcouru ; comme lui, le vieillard aime à évoquer son passé et se complaît au souvenir des jours enfuis.

C’est ainsi que l’auteur de cet opuscule, ayant reconstitué l’histoire du pays où il a passé la plus grande et la plus belle partie de sa vie, a songé à la communiquer au public, dans l’espoir de l’y intéresser et de rappeler à la population actuelle ses origines, ainsi que les transformations et les événements dont notre région a été le théâtre à travers les âges.

En montrant aux jeunes générations l’œuvre accomplie par les ancêtres, il éveillera peut-être chez elles le sentiment de solidarité qui relie le présent au passé et le désir d’apporter leur contribution au progrès dont ils ont reçu le précieux héritage.

Plus modestement, il souhaite de contribuer ainsi à leur faire aimer ce coin de terre où ils sont nés, à leur donner le désir d’y demeurer toujours et d’en rendre le séjour plus agréable encore s’il est possible.

SAINT CLAUDE le 20 décembre 1930 L. MAYET : ancien instituteur, officier d’Académie, Chevalier du mérite agricole (insignes seulement)

CHAPITRE I : Du 4e siècle à la révolution

ORIGINES D’AVIGNON

L’histoire du village d’Avignon étant intimement liée à celle de la ville de Saint- Claude, quelques lignes à ce sujet édifieront le lecteur.

Tous les historiens sont d’accord pour affirmer que la vallée de la Bienne n’avait pas été habitée avant le 4e siècle. Le pays était désert et complètement recouvert de forêts et de broussailles. Vers l’an 425, Romain d’Izernore, dans le Bugey, renonça à la vie facile qu’il menait au sein de sa famille afin de se livrer aux mortifications des anachorètes de la Thébaïde et de se sanctifier par la pénitence.
Il remonta la vallée de la Bienne et se fixa à l’endroit où est actuellement bâtie la ville de Saint-Claude. Ce saint ermite y mena une vie austère, n’ayant pour toutes visites que celles des chasseurs qui étaient assez rares du reste. Son frère Lupicin, vint l’y rejoindre et des prosélytes nombreux se groupèrent en ce lieu de prière. Ce fut l’origine de la célèbre Abbaye de Saint-Claude et plus tard de la ville qui porte ce nom. Le nombre des moines s’étant considérablement accru la nécessité les obligea à défricher les terres et à les mettre en valeur, afin de pourvoir à leur subsistance. Ils firent autant que possible reculer les bornes de la forêt.

LA MAIN MORTE ET LES MAINMORTABLES

Ce furent donc les moines les premiers occupants de ces terres qui n’appartenaient à personne. Ils les cultivèrent, élevèrent du bétail, firent pousser des récoltes en quantité suffisante pour les besoins de la petite communauté religieuse. Mais la renommée de la célèbre abbaye s’étant étendue au loin, une foule de pèlerins et de malheureux demandèrent l’autorisation de s’établir sur ses terres et les coloniser. Cette autorisation leur fut accordée, mais à une condition ; c’est que les terres mises en valeur resteraient la propriété de l’Abbaye, les colons n’en ayant que l’usufruit ou jouissance pendant leur vivant. A leur mort, leurs héritiers n’étaient pas dépossédés, mais il étaient attachés à la terre où ils étaient nés et ne pouvaient s’en éloigner sans la permission du seigneur, en l’occurrence, l’Abbé de Saint-Claude qui exerçait les droits seigneuriaux sur toutes les terres de l’Abbaye lesquelles étaient très étendues.

Les serfs, comme on les appelait, payaient des redevances à l’Abbaye, comme un fermier à son propriétaire, mais avec cette différence que le fermier jouit de la faculté de quitter le propriétaire à la fin de son contrat et d’emporter avec lui le fruit de son travail et tout ce qui lui appartient. C’est cette servitude qu’on a appelé la main morte dont les derniers vestiges ont disparu avec la Révolution de 1789 qui mit fin au régime féodal.

Hâtons-nous d’ajouter que le peuple des villes (les Bourgeois) fit tous ses efforts pour secouer le joug féodal et reconquérir sa liberté. Les bourgeois de Saint-Claude ne furent affranchis que vers le quinzième siècle et probablement quelques familles d’Avignon. Or, les affranchis ou manants (ce nom avait rien d’injurieux) avaient bien reconquis leur liberté, mais il n’en étaient guère plus heureux.
Un grand vide, en plein centre de la forêt d’Avignon porte encore le nom de Cairemanant (Caire aux manants). Dans le patois local, caire signifie un champ.

Les mainmortables occupant toutes les terres aptes à produire des récoltes, on peut supposer avec raison que les affranchis ou manants obtinrent de l’Abbaye de Saint-Claude l’autorisation de défricher et de cultiver cette partie de la forêt située à une altitude de 800 à 850 mètres. On peut en conclure aussi que les céréales ne pouvaient y pousser que difficilement et donner de bien faibles récoltes.

PONT D’AVIGNON

On se demande quel rapport existe entre ce petit village et la ville fameuse du midi que baigne le Rhône pour que l’un et l’autre portent le même nom. Voici ce que l’histoire et la tradition nous apprennent à ce sujet :

Au XIIe siècle, Saint- Bénazet fonda à Bonpas, sur la Durance, près d’Avignon, une congrégation de maçons appelés Frères Pontifes, vouée à l’entretien et à la construction des ponts. Ce sont eux qui construisirent le célèbre pont d’Avignon sur le Rhône, au pied du palais des Papes, dont une moitié existe encore, ainsi que la chapelle de Saint-Bénazet, à l’extrémité de cette partie du pont, au milieu du fleuve.

A une date inconnue qu’on peut fixer vers l’an 1200, l’Abbé de Saint-Claude appela des ouvriers de cet ordre pour construire deux ponts. L’un fut appelé pont d’Avignon et l’autre, pont de Saint-Claude.
Le premier existe encore et fait communiquer les deux rives de la Bienne, près de l’usine de l’Ébonite. Quoique paraissant encore en bon état de conservation, on y a fait en 1929 quelques légères réparations qui lui permettront de voir passer encore de nombreuses générations. Quant au pont de Saint-Claude construit à la même époque, il est situé au bas de la rampe de la Poyat et il traverse le Tacon, petit affluent de la Bienne. Comme il menaçait ruine, il a été restauré et considérablement élargi il y a une quinzaine d’années.

On dit que les Frères Pontifes appelaient par mépris Pont du Diable ceux qui n’avaient pas été construits par eux. Il en existe encore un sur la route de Cinquétral portant ce nom. Il traverse le petit ruisseau de l’Abîme, autre affluent de la Bienne.

En 1177, lorsque les Frères Pontifes eurent terminé les travaux des deux ponts pour lesquels ils avaient été mandés à Saint-Claude, quelques uns d’entre eux et quelques ouvriers obtinrent, à titre d’accensement, des terrains sur la montagne qui domine du côté du couchant la vallée de la Bienne. Ils s’y fixèrent et les quelques cabanes qu’ils y construisirent ont été le berceau du petit village d’Avignon dont le nom leur rappelait leur pays d’origine. D’autres s’établirent probablement à la même époque au fond du cirque formé par les rochers du Frênois où jaillissaient de nombreuses sources. Ils y fondèrent le petit hameau de Vaucluse, nom qui leur rappelait le nom de la célèbre fontaine de leur pays d’origine.

LES SARRASINS

La communauté d’Avignon a subi le sort des terres de l’Abbaye de Saint-Claude qui a eu ses heures de grandeur et de décadence. Elle a été ravagée en plusieurs fois par des peuples barbares qui semaient partout la terreur et la dévastation.

La plus terrible des invasions fut celle des Sarrasins. Ce peuple fanatique dont le rêve était la domination du monde, avait conquis tout le nord de l’Afrique. Il avait franchi la Méditerranée, s’était emparé de l’Espagne et de là, par les Pyrénées, s’était rué sur la France au début du 8e siècle. Ces hordes barbares ne trouvant que peu de résistance s’avancèrent jusqu’à Poitiers où elles furent battues par Charles Martel et refoulées vers l’Espagne. Mais une partie des troupes sarrasines pénétrèrent par la vallée du Rhône dans la Séquanie ou Franche Comté, terrorisant les populations. Les terres de l’Abbaye de Saint- Claude n’en furent pas exemptes et tout rappelle encore le souvenir de cette invasion.

Une foule d’appellations existent encore dans la région. A Meussia, c’est le Château Sarrasin ; à Crenans, La Motte Sarrasine ; à Moirans, la Vie des Sarrasins, les Prés Sarrasins ; à Longchaumois, le Trou des Sarrasins ; à Montépile, la Baume des Sarrasins. On pourrait en citer une cinquantaine de ce genre, ce qui prouve que notre pays a été occupé pendant un certain temps par les troupes sarrasines.

Sur le territoire d’Avignon même, on trouve auprès de la Grange de la Montagne, un endroit désigné : La Basse des Maures, les Salasines ou Sarrasines. Longtemps la Grange de la Montagne s’est appelée la Grange Sarrasine, nom de l’un de ses anciens propriétaires. Était-il un descendant de l’un de ces fameux conquérants ? Nul ne le sait, mais ce qui est certain, c’est que le nom de Sarrasin a dû être exécré par ceux qui avaient subi les exactions de ce peuple fanatique.

RIVALITÉ DE LA FRANCE ET DE L’ESPAGNE : CONQUÊTE DE LA FRANCHE COMTÉ

Pendant une bonne partie du moyen âge, l’Abbaye de Saint-Claude passa des jours assez tranquilles. Elle avait acquis une telle renommée que des princes puissants y vinrent en pèlerinage et la prirent sous leur protection. Non seulement ils lui firent des dons importants de toute nature mais ils lui garantirent l’intégrité de ses possessions.

La France du moyen âge ne ressemblait que de loin à la France actuelle. Elle se composait de fiefs plus ou moins puissants que les possesseurs transmettaient à leurs héritiers. Or, le puissant duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, ayant été tué sous les murs de Nancy en 1477 ne laissait qu’une fille, Marie de Bourgogne, qui épousa le roi d’Espagne et lui apporta en dot la Franche-Comté et les Pays-Bas qu’elle tenait de son père. Les rois de France, notamment Louis XI, Henri IV, Louis XIII et Louis XIV cherchèrent à l’arracher à la couronne d’Espagne les provinces qui formaient l’apanage de Marie de Bourgogne. De sorte que des guerres incessantes mirent à feu et à sang la malheureuse province de Franche Comté.

GUERRE DE PARTISANS

Des bandes armées parcouraient le pays, prenant parti, tantôt pour les uns, tantôt pour les autres. Ils guerroyaient souvent pour leur propre compte et vivaient grassement aux dépens des malheureuses populations que personne ne défendait. Des seigneurs turbulents en profitaient pour arrondir leurs domaines au détriment de ceux qui ne pouvaient se défendre. Ces guerres intestines amenèrent des troubles sur les terres de l’Abbaye de Saint- Claude et les habitants d’Avignon comme ceux de la région tout entière, eurent à en souffrir.

Parmi les plus chauds partisans de l’Espagne, on cite Jean-Claude Prost et le Curé Marquis de Saint-Lupicin.

Jean-Claude Prost, surnommé le capitaine Lacuzon, était né à Longchaumois où il se maria en 1632.
La légende a considérablement grossi ses aventures guerrières ; on sait néanmoins qu’il fut un chef de bandes d’une intrépidité sans égale, mais non exempte de cruauté que n’excusait pas la cause qu’il défendait.

Le curé Marquis défendit sa paroisse en homme de guerre. Il fut l’organisateur et le chef des milices du pays qui montaient une garde vigilante pour en éloigner les perturbateurs.

Les exploits de ces deux farouches partisans n’étaient pas toujours sans reproches. Ils étaient craints et redoutés ; aussi les habitants des campagnes terrorisé s’écriaient-ils : « Die te défende de Lacuzon et du curé de San-Loupcène ».

Faut-il faire remonter à cette époque troublée l’origine de la croix en pierre érigée sur le territoire d’Avignon, tout près de la Grange de la Bataille. Cette croix, qui porte la date de 1617 rappelle certainement le souvenir d’un combat qui a dû se livrer autrefois à cet endroit, probablement entre français et espagnols. (NDLR : le document porte une mention « FAUX » vis à vis de ce paragraphe, mais le correcteur n’a ni daté ni signé sa mention. Ce passage et sa mention sont donc à considérer avec encore plus de prudence).

Il est à remarquer que la configuration du sol, inaccessible à des troupes qui auraient voulu prendre à revers et par surprise la ville de Saint-Claude, ne permettait qu’un seul passage ; celui de la Bataille.
Ce passage devait être gardé par des remparts puisqu’un certain endroit situé plus bas porte encore le nom de « Forts de Ponthoux ». Il est regrettable que l’histoire locale ne puisse être fixée sur ce fait historique qu’on ne trouve mentionné nulle part, et qu’on en soit réduit à des suppositions plus ou moins fantaisistes.

PESTE ET FAMINE

Après les désastres causés par les invasions et les guerres intestines, le pays était ruiné. Les terres n’étant pas cultivées convenablement ne pouvaient nourrir les habitants qui manquaient de tout. Débilités par les privations de tout genre, ils étaient exposés aux ravages de la peste qui faisait son apparition à la suite des grandes famines et elles étaient nombreuses. L’histoire cite entre autre la peste de 1328 qui fit périr le quart de la population de la France. Celle de 1649 fut désastreuse pour notre région montagneuse. On cite quelques localités dans la haute montagne où les bras manquaient pour enterrer les morts. Des villages entiers restèrent déserts pendant un certain temps, leurs habitants ayant péri ou ayant fui ces lieux de désolation.

Les habitants d’Avignon firent le vœu, s’ils échappaient au fléau, d’ériger une chapelle en l’honneur de Saint-Roch. Il faut croire qu’ils furent exaucés, puisqu’ils construisirent une chapelle qui existe encore et qui porte la date de 1649. Cette chapelle, restaurée par Monsieur Eugène Goudard, maire de la Commune, n’offre rien de remarquable. (Cloche changée en 1975) Elle est un témoignage de la foi des anciens habitants d’Avignon qui étaient foncièrement attachés à leurs croyances religieuses.

Par ce qui précède, on peut juger de la vie que menèrent les habitants d’Avignon dans les siècles qui ont précédé la Révolution. Ce passé est assez ténébreux et les archives de la Commune qui n’existent que depuis une époque récente ne peuvent y jeter un peu de lumière. On n’y trouve que quelques actes se rapportant aux contestations qui s’élevaient sans cesse entre les communes riveraines au sujet des limites de leurs forêts respectives. Le plus ancien de ces actes date de 1745. C’est l’extrait d’un jugement rendu par le Parlement de Besançon, qui mettait fin à un conflit existant depuis longtemps entre la Communauté d’Avignon et la Ville de Saint-Claude, conflit qui dégénérait parfois en luttes sanglantes.

CHAPITRE II : DE LA RÉVOLUTION A 1830

La révolution de 1789 a bouleversé complètement l’ancien régime et une vie nouvelle a commencé pour le pays. La commune a été émancipée et une ère de liberté s’est fait jour depuis cette époque mémorable qui a fait la France ce qu’elle est aujourd’hui.

Tant d’intérêts étaient en jeu qu’ils se dressèrent les uns contre les autres et amenèrent des luttes terribles entre les partisans de l’Ancien Régime et ceux des temps nouveaux. La guerre civile régna dans le pays en même temps qu’à l’extérieur. Ceux qui détenaient le pouvoir crurent bon d’établir le régime de la Terreur et faire preuve d’une énergie féroce. Il fallait sauver la patrie ou périr avec elle. On se porta à des excès regrettables, surtout dans les grandes villes. Les habitants d’Avignon se soumirent à toutes les exigences de l’époque et le régime de la Terreur ne fit pas de victimes parmi eux. Ils souffrirent dans leurs croyances religieuses auxquelles ils étaient très attachés. On sait qu’un grand nombre de prêtres se refusèrent à prêter serment à la constitution que le gouvernement voulait leur imposer. On ferma leurs églises et ils furent obligés de se cacher ou de fuir à l’étranger pour échapper à la prison qui les attendait. Seuls les prêtres qui avaient prêté serment étaient autorisés à exercer librement leur culte.

La grange de la Bataille, située en un lieu désert et escarpé, au milieu des bois, servit de refuge aux prêtres réfractaires qui y administraient en secret les sacrements de l’Église. Les habitants d’Avignon qui, pour la plupart, étaient restés fidèles à leurs croyances, se réunissaient secrètement à la Bataille pour y recevoir les secours de la religion. Ils ne furent pas inquiétés et malgré les rigueurs de ce temps troublé, aucune arrestation n’y fut opérée. Cependant l’hospitalité accordée aux ministres du culte par Nicolas Saintoyant, propriétaire de la Bataille, lui avait attiré la haine d’un farouche sectaire d’Avignon qui ne recula pas devant un assassinat pour assouvir sa rancune. Il s’était caché dans les broussailles non loin de la croix dont il a déjà été parlé ici et il tira un coup de pistolet sur Saintoyant qui fut légèrement blessé au bras. Son coup fait, l’assassin s’enfuit sans que le blessé eut le temps de le reconnaître ou, s’il put l’identifier, il ne voulut pas porter plainte contre son agresseur. Les soupçons se portèrent sur un habitant du village aux opinions très avancées, qui quitta le pays quelque temps après pour n’y plus rentrer. Cette persécution religieuse dura jusqu’en 1801, époque à laquelle les églises furent rendues au culte en vertu du Concordat passé entre le Consul Bonaparte et le Pape Pie VII.

ADMINISTRATION MUNICIPALE

Avec l’ancien régime, disparurent peu à peu les anciennes coutumes. La vie municipale devient très active. Les événements se précipitent et tout se ressent de la fièvre qui agite le pays. On a proclamé la patrie en danger et à tout prix il faut la sauver. On doit tirer parti de toutes les ressources du pays. On réquisitionne tout ce qui peut être utile aux armées : hommes, chevaux, voitures, fourrages, bestiaux, vivres habillements etc…

Les services administratifs sont encore à l’état rudimentaire et fonctionnent à peu près comme sous l’ancien régime. Tout est à rénover ou à créer dans les rouages administratifs de la commune. L’ancienne maison commune ou chalet n’existait pas encore au début de la Révolution et faute d’un local approprié on se réunissait le dimanche sur la place publique pour délibérer sur les affaires courantes.

On est surpris de voir le nombre des délibérations prises par le Conseil et de constater la somme de travail fourni par un secrétaire peu lettré. Il devait consacrer un temps considérable à la rédaction des délibérations, à la transcription des instructions du Gouvernement, à la tenue des registres de l’état civil ci-devant confiée au clergé. Cependant, tout se passa à peu près normalement, autant qu’on pouvait le faire à cette époque. Les pièces qui sont déposées aux archives de la Commune en font foi.

Les impositions ayant changé de nature sous le nouveau régime, elles furent perçues par un délégué du Conseil chargé de la gestion des biens communaux. Ce délégué faisait fonction de percepteur ou receveur municipal et la fin de l’année, il devait rendre compte au Conseil de sa gestion et faire approuver l’état des recettes et dépenses effectuées par ses soins. Ce mode de gestion dura quelques années avec certaines modifications qui y furent apportées par la suite pour le contrôle de l’Administration supérieure.

Pour la surveillance des bois et de la chasse, une commission de trois membres était nommée également par le Conseil et recevait à titre de gratification, 4 à 30 sols par rapport au procès-verbal.
Il serait trop long d’énumérer dans tous leurs détails les actes administratifs de la première municipalité d’Avignon. Par les extraits ci-après sur les différents registres de la Commune, on pourra avoir une idée des affaires qui furent solutionnées à cette époque de transformation.

Le premier maire fut Claude-François Vuillerme, auquel succéda en 1792, Nicolas Saintoyant qui avait occupé ci-devant les fonctions de Receveur municipal. Il est à noter que les administrateurs de la Commune savaient à peine signer leur nom, quelques uns même étaient portés comme ne sachant signer.

QUELQUES EXTRAITS DES ACTES MUNICIPAUX 1790 à 1794

1790 – Fourniture de Bois – La Communauté d’Avignon devait fournir 15 voitures de bois pour l’usage des commissaires du district de St-Claude recommandé de prendre les dépérissants et ramenants et de laisser les brins au-dessus de 5 pouces de tour (0,15m) ?

1790 – Dime – 25 juillet – Adjudication de la dîme due à Monseigneur l’évêque de Saint- Claude Adjudicataire : Pierre-Joseph Colomb de St-Claude pour 140 livres.

1792 – Maison Commune – janvier – Demande de vente de 3 arpents de communaux du côté du vent de Petit Beauregard (Les Corvionnes) pour construction d’une maison commune – chalet.

1792 – Corvées – mars – Rôle des journées fournies par les habitants pour la construction de la maison commune -chalet- Amendes encourues par les non-volontaires : par personne, 10 sols ; par voiture de sable, 20 sols. Les derniers travaux ont été mis en adjudication en 1793.

1792 – Réquisition – juin – Protestation des habitants se refusant à livrer la cloche de la Chapelle pour la fabrication de canons.

1793 – Service du culte – L’abbé Colomb se charge du service du culte à raison de 30 sols par messe. La récitation du catéchisme est payée à part.

1793 – Guerre – Réquisitions – Levée de 200 hommes par district parmi les citoyens non mariés ou veufs sans enfants. Faire armer, habiller et partir de suite pour Besançon.
Recensement d’Avignon : 7 citoyens dont 3 en état de porter les armes – Chevaux : 2 – Dons offerts à la Patrie : liste trop longue pour être insérée ici -(vêtements, laine, toile etc…) – Réquisitions : armes : 1 fusil de munitions, 5 fusils de chasse, 3 sabres et 1 vieux pistolet – Objets du culte : 2 chandeliers en cuivre ; 1 boîte en argent ; 1 calice en argent ; le tout remis contre reçu et porté à Saint-Claude par Claude-François Vuillerme, procureur de la Commune.

1793 – Vente de communaux – Vente à l’enchère par l’Assemblée municipale aux lieux dits : Très la Goutte ; Le Chênois ; Les Champs Fédeyet (petite combe). Acquéreur pour son père, au prix total de 231 livres, l’abbé Colomb.

1793 – Echanges – La Commune échange : La Fontaine sous la Goutte qu’elle cède au citoyen Colomb et reçoit en contre échange un emplacement pour entreposer les matériaux de la carrière qui est à proximité.

1793 – Partage de terrains – Il existait des terrains communaux aux lieux dits : les Couronnes et les Cottières – Ils furent divisés par lots et répartis par jeux, après quoi, ils furent tirés au sort.
Experts : le citoyen Colomb, prêtre ; Joseph Emmanuel Waille maire de Ponthoux et Jean-François Clément du Bois de Ban – Indicateurs : Nicolas Saintoyant, maire et Claude-Joseph Vuillerme, secrétaire.

1794 – Honoraires – M. Colomb, procureur de la ci-devant judicature de St-Claude, reçoit 703 livres 10 sols pour toutes les charges locales, y compris 107 livres 3 sols pour avances faites par lui pour finir un procès.

1794 – Police – Deux gardes champêtres et forestiers sont nommés et reçoivent chacun 14 mesures de froment.

1794 – Guerre – Réquisition pour la troupe ; 1 habit, 1 veste, 4 culottes, 3 paires de bas, 5 chemises , 3 paires de guêtres. Avances faites aux familles des volontaires 435 livres données par les citoyens les plus aisés de la commune qui étaient au nombre de 8.
Subvention de l’État aux malheureux 142 livres réparties entre 19 familles

1794 – Contributions – Le collecteur des contributions directes d’Avignon devait remettre les fonds au Receveur du Canton. Il recevait à titre de rétribution 1 sol par livre.

Des quelques extraits ci-dessus, on constate qu’une grande activité régna à Avignon au début de la Révolution. Peu à peu les anciennes lois et règlements se transformèrent et apportèrent de grands changements au mécanisme gouvernemental. Les anciennes mesures qui variaient d’une province à une autre devinrent uniformes après l’établissement du système métrique. Les mots : livre, sol, arpents, firent place aux mots franc, centime, hectare, are etc…

Un nouveau code des lois fut élaboré. Les parlements et les anciennes cours de justice furent supprimés et remplacés par les tribunaux tels que nous les voyons aujourd’hui. La France, autrefois divisée en provinces, le fut en départements qui se subdivisent en arrondissements et cantons ; le mot district n’est plus usité. En un mot, une France nouvelle était sortie du cadre de l’ancien régime où tout avait été métamorphosé.

LE CONSULAT – L’EMPIRE – LA RESTAURATION

Laissant de côté les faits historiques qui sont du domaine de l’histoire générale, nous ne parlerons ici que de ceux qui touchent de près au village d’Avignon. On sait que le général Bonaparte devint premier Consul et qu’il fut proclamé ensuite empereur sous le nom de Napoléon Ier. Après avoir promené le drapeau tricolore dans toutes les capitales de l’Europe, il fut vaincu à Waterloo le 18 juin 1815 par les peuples qui s’étaient coalisés contre lui. La France fut envahie de toutes parts. Les Autrichiens traversèrent la Suisse et pénétrèrent dans notre pays par le col de La Faucille. Après un simulacre de combat, les français se retirèrent en voyant que toute résistance était inutile.

Les Autrichiens se répandirent alors dans nos montagnes pour se ravitailler avant de continuer leur marche sur Paris. Ils passèrent à Avignon et réquisitionnèrent du bétail, du fourrage et diverses denrées dont la liste, dressée par la municipalité s’éleva à la somme globale de 1 025,90 F. Les habitants ne furent pas trop molestés et ils en furent quittes pour la peur. Par mesure de précaution, ils avaient eu le soin, dit-on, de cacher à la Grotte de la Bataille ce qu’ils avaient de plus précieux pour le mettre en sûreté.

On cite un fait assez plaisant raconté par un vieillard qui en avait été le témoin. Un habitant du village qui avait aux pieds une paire de souliers neufs fut rencontré par un soldat qui, après l’avoir dévisagé, lui fit signe de s’arrêter, ce qui fut fait. Et sans autre préambule, le soldat lui dit simplement : “ pose souliers ” en accompagnant ces paroles d’un geste significatif. Il fallut s’exécuter sans murmurer et recevoir, en échange de souliers, neufs, une paire de savates. Le même raconte encore qu’attirés par la bonne odeur du pain qui cuisait dans un four du village, des soldats montèrent la garde et attendirent que la cuisson fut à point. De la fournée tout entière, il n’en resta miette. En se retirant, les autrichiens emmenèrent quelques otages qu’ils relâchèrent bientôt.

ANNÉE 1818 – DISETTE

L’année 1817 avait été constamment pluvieuse et froide. En plein été, la neige faisait fréquemment son apparition, si bien que les récoltes en souffraient énormément. Les céréales, n’arrivèrent pas à maturité et furent en majeure partie perdues. Aussi la disette se fit sentir en 1818, année dont nos ancêtres ont conservé un mauvais souvenir et qu’ils surnommèrent : “l’année de la mauvaise saison”.

Le pain qui formait en ce temps là la principale nourriture des gens de la campagne atteignit un prix fabuleux. Une mesure de blé (double décalitre) se vendait 40 à 50 F, ce qui représenterait aujourd’hui 200 à 300 F de notre monnaie. On cite un habitant d’Avignon qui échangea une vache contre deux mesures de blé. On est certain que le pain ne fut pas gaspillé mais combien durent souffrir ceux qui n’avaient pas de ressources !

Les habitants des villes qui consomment beaucoup de viande, en souffrirent moins que ceux de la campagne lesquels vendaient leur bétail à vil prix pour avoir un morceau de pain. Aujourd’hui, on en pâtirait moins attendu que la culture des céréales se fait en grand dans certaines contrées, en Amérique notamment. Des vaisseaux transporteraient rapidement des quantités de blé en France grâce aux voies ferrées, il affluerait sur nos marchés qui seraient largement approvisionnés. Le pain coûterait certainement plus cher qu’en temps normal, mais on en pourrait manger à discrétion. Espérons que nous ne reverrons pas ces années de disette si fréquentes au moyen âge, et même jusqu’à la Révolution.

CHAPITRE III : de 1830 à 1850

CHEMINS VICINAUX

La période qui s’étend de 1830 à 1850 peut s’appeler l’époque des grands travaux communaux dont l’urgence se faisait sentir depuis longtemps, mais qui n’avaient pu être réalisés faute de ressources.
On n’avait pas d’école moderne, pas de chemins praticables, pas d’eau pour l’usage domestique, pas de pompe d’incendie etc… Tout était à créer et il fallait de l’argent, beaucoup d’argent, pour mener à bien tous les projets en vue.

On y parvint cependant avec les seules ressources de la Commune, grâce à la forêt qui fut complètement exploitée et pour longtemps. Ici quelques explications sont nécessaires :

La forêt communale comprend environ 270 hectares. Elle est divisée en deux parties dont l’une sert au chauffage des habitants ; c’est le bois d’affouage. L’autre partie ; le quart en réserve, ainsi appelée parce qu’elle représente à peu près le quart de la surface totale, est destinée à procurer des fonds à la Commune en cas de dépenses extraordinaires, soit pour l’entretien de la maison commune, des chemins vicinaux etc.

On ne peut donc compter que sur les produits de la vente de coupes extraordinaires de la réserve pour parer à toute éventualité, car les coupes affouagères délivrées aux habitants suffisent à peine à payer le traitement des gardes, les impôts et autres charges communales. Or, le quart en réserve n’était pas aménagé convenablement ; certaines parties dataient d’une centaine d’années et renfermaient des bois qui auraient du être exploités depuis longtemps. Il fallait régénérer ces bois et la commune obtint facilement la mise en vente totale de la réserve. Cette vente produisit environ 40 000 F, somme énorme à cette époque. Elle représentait le revenu des bois pendant une période 50 à 60 ans. Mais comme tous les bois, sauf quelques baliveaux, avaient été abattus, il fallait attendre une période semblable pour en tirer de nouveau un produit.

C’est ce qui explique que pendant beaucoup d’années, la Commune fut dans la gêne et tous les services en souffrirent ; la maison d’école se dégrada, les puits non entretenus se détériorèrent et une foule de choses utiles restèrent en suspens.

CHEMIN D’AVIGNON A ST-CLAUDE

La loi de 1836 sur les chemins vicinaux mit chaque commune dans l’obligation de créer des chemins vicinaux et institua les prestations pour subvenir à leur entretien. C’est en 1838 que fut décidée la rectification de l’ancien chemin qui donnait accès à la Ville de St-Claude.

Les divers travaux et acquisitions de terrains du chemin actuel donnèrent lieu à une dépense de 10 138,30 F. Par la suite, deux rectifications aux tournants près la Maison Mayot et la Maison Chevassus furent reconnues urgentes et coûtèrent environ 4 000 F. à la Commune. Ce chemin, classé aujourd’hui comme chemin de grande communication, laisse encore beaucoup à désirer. Les rampes en sont beaucoup trop fortes et par suite, son entretien est très dispendieux, attendu que les pluies d’orage entraînent les matériaux, qu’on ne peut remplacer qu’à grands frais.

Le service vicinal ayant à faire face de tous côtés avec des ressources limitées, en consacre la majeure partie à l’entretien des grandes voies de communication qui étaient autrefois à la charge du département et on néglige un peu trop celles de peu d’importance. Malgré ces inconvénients, si on établissait une comparaison entre le chemin actuel et l’ancien chemin, l’avantage ne serait pas en faveur de ce dernier. Partant du village d’Avignon, il passait près de la Goutte et de là aux Avignonnets pour rejoindre l’ancienne route de Saint-Laurent, laquelle traversait le pont d’Avignon qui donne accès à la Ville de St-Claude par le Faubourg du Moulins. Ce n’est qu’en 1865, après l’établissement du Viaduc, que la route de St-Laurent fut détournée dans la direction du viaduc et le pont d’Avignon fut délaissé. L’ancien chemin, ainsi qu’il en existait quantité d’autres à cette époque reculée, tirait au plus court, sans tenir compte des rampes plus ou moins fortes qu’on pouvait rencontrer d’un point à un autre de son parcours. Il était si étroit par places que deux voitures n’y pouvaient circuler de front. La trace de ce chemin subsiste encore en certains endroits où l’on remarque des profondes ornières produites sur la roche par le frottement des roues des voitures qui y passaient depuis un temps immémorial.

SENTIERS

Pour les piétons, il existait un sentier, le sentier des Nues qu’on pratique encore aujourd’hui. Il a existé depuis les temps les plus reculés, car il est le passage le plus direct d’Avignon à St-Claude.
Ce sentier part du village d’Avignon, passe aux trois-Maisons, à Beauregard et conduit à la Place du Pré, après avoir traversé la passerelle des établissements de M. Dalloz, Sous le Pré.
Le sentier des Nues est un peu délaissé, bien que le plus direct on lui préfère celui de La Cula qui vient aboutir au Grand Viaduc
Ce dernier qui est le plus fréquenté ne date que de 1874. C’est M. Eugène Goudard, maire de la Commune d’Avignon qui l’a fait établir en partie à ses frais et à l’aide des habitants d’Avignon qui y firent quelques corvées supplémentaires.
Ces deux sentiers qui abrègent la distance d’Avignon à Saint-Claude sont très fréquentés par les piétons.

CHEMIN DE LA MONTAGNE

Pour desservir la forêt, il n’existait qu’un mauvais chemin qui passait devant la chapelle et gravissait la rampe très accentuée du Fayet pour gagner les pâturages et entrer ensuite dans la forêt. Il était mal entretenu, très étroit, avec des rampes de 15 à 25 %. Aussi, lorsque la Commune posséda les ressources nécessaires, elle n’hésita pas à créer un chemin dont le besoin se faisait sentir depuis longtemps. On le dénomma le chemin de la Montagne tout naturellement parce qu’il dessert la forêt dénommée “La Montagne” par les gens du pays. Ce chemin a été créé en 1840 sur un devis se montant à 9 230 F. Il dessert la plus grande partie de la forêt à laquelle il donne de la plus value en réduisant au minimum les frais d’exploitation des bois.

Divers petits chemins de desserte viennent s’y greffer et forment des ramifications qui toutes aboutissent à la grande artère laquelle se prolonge sur Valfin ou sur Saint-Claude en arrivant à la Grange de la Montagne.

Afin d’assurer par le service vicinal, l’entretien du chemin de la Montagne, la municipalité la fit classer comme un chemin faisant communiquer la commune d’Avignon avec celle de Cuttura. Mais en réalité, il n’aboutit pas jusqu’à la limite de cette dernière commune qui n’a pas reconnu l’utilité d’un prolongement sur son territoire. Dans la belle saison, le chemin de la Montagne est très fréquenté le dimanche par les promeneurs de St-Claude qui y viennent prendre leurs ébats, soit à pied, soit en automobile (on peut aller en auto jusqu’au puits des sous).

CHEMIN DE LA BATAILLE

Le chemin qui dessert la Grange de la Bataille fait communiquer Avignon avec Ponthoux. Autrefois il empruntait les chemin de la Montagne et à partir du Fayet, obliquait à gauche, passait entre les fermes du Gouillat et du Crozet pour se diriger à travers le taillis communal sur la Bataille et de là sur Ponthoux. Très étroit et mal entretenu, ce chemin n’était guère pratique pendant l’hiver. La neige y séjournait pendant fort longtemps en raison de l’altitude qui y atteint environ 850 mètres. Frappés de cet inconvénient, les habitants de la Bataille et tous ceux qui y possédaient des bois s’entendirent entre eux et décidèrent, il y a une quarantaine d’années, d’ouvrir un chemin partant de la Bataille et allant directement se relier au chemin d’Avignon dit : des Roches. L’autorisation d’ouverture de ce chemin qui, à partir du Sappé, traversait la forêt communale pour aller aboutir à la Bataille, fut accordée, et un léger subside fut même alloué aux intéressés par la commune à titre d’encouragement. Cette rectification peu coûteuse n’a pas abrégé de beaucoup la distance du village à la Bataille, mais elle a rendu le trajet plus agréable et plus pratique.

Partant d’Avignon, le chemin traverse de magnifiques points de vue sur la vallée de la Bienne et s’engage ensuite dans le versant méridional au dessus des Plan d’Acier, à l’abri des vents du nord où la neige fond rapidement. Il est d’un entretien facile, attendu qu’on trouve sur place le gravier et les matériaux nécessaires. Ce chemin est donc d’une utilité incontestable, peu coûteux comme entretien et très avantageux pour l’exploitation du bois, tant communaux que particuliers.

MAISON COMMUNE – ÉCOLE

La maison commune qui servait en même temps de chalet (fromagerie) fut construite en 1793 à l’époque de la Révolution. Elle comprenait deux pièces au rez-de-chaussée, dont la chambre de fabrication du fromage et la chambre à lait. A l’étage, deux pièces d’égales dimensions, à celles du rez-de-chaussée, dont l’une servait de chambre à coucher du fruitier (fromager) et la plus vaste, de salle de classe.

En 1841, au moment de la construction de la maison d’école y attenante, la maison commune fut surélevée d’un étage afin d’y installer les archives de la Mairie et d’avoir à sa disposition une salle de réunion un peu convenable. Cette maison, bâtie dans des temps difficiles et en majeure partie à l’aide des habitants qui s’étaient imposé des corvées pour tous les travaux en leur pouvoir, n’avait rien de luxueux. Elle répondait cependant aux besoins de l’époque.

Le besoin de s’instruire se faisant sentir de plus en plus, le gouvernement de Louis Philippe fit voter la loi de 1832 qui organisait l’instruction primaire et obligeait chaque commune à posséder une école.
La commune d’Avignon ayant les fonds nécessaires, par suite de la vente des bois du quart en réserve, n’hésita pas à se conformer à la loi. Elle fit dresser par M. Comoy, architecte à St-Claude, les plans et devis dont le montant s’éleva à la somme de 6 825,60 F.

Un second bâtiment attenant au premier fut aménagé du côté sud pour servir de salle de classe et de logement du maître. Le sous-sol fut converti en cave et entrepôt de la pompe à incendie. Bien que plus confortable que le premier, ce bâtiment laisse à désirer sous le rapport de l’hygiène. La salle de classe est trop exiguë, le plafond en est trop bas et le cube d’air respirable n’est pas suffisant pour une population enfantine qui varie de 30 à 45 élèves. De notables améliorations y ont cependant été apportées de 1841 à nos jours. Le jardin de l’école a fait place à une cour avec un préau couvert fermé du côté nord pour abriter les enfants d’un courant d’air glacial pendant l’hiver.

Grâce aux libéralités du maire actuel, M. Fernand Goudard, grand ami de l’école et du progrès en général, rien ne manque à la salle d’école. Le matériel scolaire a été rajeuni, les murs sont ornés de tableaux instructifs, les fournitures scolaires sont distribuées gratuitement aux élèves etc. En un mot, sauf l’exiguïté des locaux scolaires, la maison d’école ne le cède en rien aux plus récentes et mieux aménagées.

Depuis longtemps la municipalité avait l’intention de remédier à cet état de choses et divers projets avaient été mis à l’étude. Le dernier fut celui de M. Mouret, architecte à Saint- Claude, dont le devis s’élevait à la somme de 27 000 F. Il consistait à édifier sur l’ancienne maison commune qui serait rasée une nouvelle maison d’école remplissant toutes les conditions désirables. La maison d’école actuelle serait conservée et servirait à l’usage de la Commune, comme salle de réunion, archives, bibliothèque etc. Ce projet fut soumis à l’administration peu de temps avant la guerre de 1914 et, comme tant d’autres projets, il dort encore dans les cartons du Ministère. L’exécution peut en être différée pour longtemps encore. Le devis qui s’élevait à 27 000 F. en 1914, se monterait à près de 300 000 F. actuellement (coefficient 10 %). Bien que l’État en presse une bonne partie à sa charge, les ressources de la Commune ne pourraient parfaire le montant de la dépense laissée à sa charge. Tôt ou tard, il faudra cependant reprendre ce projet dont l’exécution s’impose.

SERVICE DES EAUX – PUITS PUBLICS

Les couches géologiques du sol sur lesquelles est assis le plateau d’Avignon, notamment la forêt, ne permettent pas l’accumulation des eaux pluviales en poches ou petits lacs souterrains propres à la formation de sources permanentes abondantes. Au moins, s’ils existent, ils sont à une profondeur telle qu’ils ne permettent pas aux sources qui en proviennent, de sourdre au village même qui se trouve, à une altitude de 729 mètres. Le versant occidental du plateau d’Avignon est mieux partagé sous ce rapport et de nombreuses sources se rencontrent çà et là au pied de la montagne. Néanmoins, de petits filets d’eau se montrent plus bas que le village : A la Goutte, aux Trois Maisons, à Beauregard etc. On en rencontre également dans le versant méridional, au dessus de Plan d’Acier : au Niet, au Lavoir, à la Dégoutte et même près de la Bataille, à une altitude de 800 mètres, ce qui ne s’explique guère. Ces petites sources sont très abondantes par temps pluvieux, mais au bout de quelques jours de grand soleil, le débit en est devenu insignifiant sans toutefois tarir complètement, même par les plus grandes sécheresses.

Dans les conditions où est placé le village, il n’y avait pas possibilité de capter ces minuscules sources et de les amener dans l’agglomération. La population dut donc s’alimenter à l’aide de puits creusés dans le roc ou s’amassent les eaux pluviales ayant filtré à travers des couches perméables. La commune n’étant pas riche, on économisa et on ne construisit que des puits à dimensions très réduites, ce dont souffrirent gens et bêtes au moment des grandes sécheresses. On ne sut pas saisir l’occasion lorsqu’elle se présenta. C’était au moment où la vente du suart en réserve avait permis de faire de grandes choses, qu’on aurait dû en profiter. On consacra bien la somme de 5 845,80 F. à l’amélioration du service des eaux, somme importante pour l’époque, mais on n’en fit pas un emploi judicieux. Les habitants des fermes isolées réclamèrent leur part du gâteau et toutes voulurent avoir un puits à proximité de leur maison. On ne sut pas leur résister et ce fut un tort. On aurait pu leur faire comprendre que les habitants du village qui formaient les trois quarts de la population de la commune, avaient le droit de construire de vastes réservoirs où seraient venus s’alimenter ceux des fermes isolées en cas de nécessité. Il eut été préférable, en tout cas, de les désintéresser en leur accordant une petite subvention à titre d’encouragement à pourvoir eux-mêmes à l’entretien des puits que chacun possédait auprès de la maison de ferme. On n’en fit rien et on construisit huit puits disséminés çà et là sur différentes parties des pâturages communaux. Qu’en est-il résulté ? Faute de ressources, la commune n’a pu les entretenir ; ils sont tombés en ruines et les débris gisent lamentablement sur le sol. Seuls sur huit, trois subsistent encore après avoir subi maintes réparations. Combien il eût été préférable d’avoir auprès du village un puits assez vaste pour abreuver qu passage les bestiaux se rendant au pâturage ou en revenant !

Quoi qu’il en soit, le régime des eaux s’est sensiblement amélioré depuis 1841. Le puits du centre du village a été considérablement agrandi en 1872 par M. Eugène Goudard, Maire, qui en a pris les frais à sa charge, la commune n’ayant aucune ressources pour effectuer ce travail.

Le puits de la Boussière a été amélioré et le petit filet d’eau qui l’alimenta a été capté. Un second puits, beaucoup plus vaste que le premier, a été construit tout à côté et communique avec celui-ci.

Le puits situé près de la Taillerie des diamants, crée par M. Eugène Goudard en 1884, pour les besoins de la taillerie, a été livré à l’usage public depuis que celle-ci est mue par l’électricité. Un lavoir couvert a été établi tout auprès, si bien que le lavoir des Roches très éloigné du village a été délaissé.

Toutes les municipalités qui se sont succédées à la tête de la commune ont eu à coeur de donner à profusion une eau salubre à la population. Actuellement encore, sur les indications d’un sourcier, des travaux importants sont en voie d’exécution pour découvrir une source assez abondante passant au midi de la maison des Fournets. L’eau devait se trouver à sept mètres de profondeur, mais cette mesure est dépassée et les fouilles pratiquées n’ont jusqu’ici donné aucun résultat. Il serait à souhaiter qu’elles réussissent. Tant d’efforts successifs sont couronnés de succès et on peut affirmer que d’ores et déjà, malgré les plus grandes sécheresses, les habitants d’Avignon ne seront plus forcés de s’approvisionner en eau potable aux fontaines de Saint-Claude.

ENSEIGNEMENT

Depuis la Révolution, le peuple prit une part plus active à la vie nationale et le besoin de s’instruire se fit sentir de plus en plus. Dans les campagnes où l’enseignement n’était pas organisé, on était généralement illettré. Il en était du moins ainsi à Avignon, et les registres de l’état civil en font foi. Beaucoup de personnes déclarent ne savoir signer ou, si elles le savent, c’est qu’on leur a appris à tracer tant bien que mal quelques lettres informes qui dénotent que le signataire ne sait pas écrire couramment. Que devenaient donc les enfants pendant les longues journées de l’hiver ? Quelques uns se rendaient sans doute à la ville pour y acquérir les bribes d’une instruction élémentaire ; mais les autres ?

Malgré les recherches effectuées dans les archives de la commune, on ne trouve aucun document susceptible de jeter un peu des lumières sur un passé cependant peu lointain. Tout ce qu’on a pu y découvrir, c’est que le 23 septembre 1795, le citoyen Claude Philippe Mauprel, de Saint-Claude se présenta à la municipalité pour remplir les fonctions de maître d’école. Donna suite à sa demande On l’ignore, car on n’en retrouve pas de trace. Cependant, à cette époque on possédait un local à la maison commune qui venait d’être édifiées, (1793) et c’était déjà un progrès notable. Possédant une salle de classe à la maison commune, il est probable que l’instruction y fut donnée pendant l’hiver. Les anciens du village ont assuré que le fromager (le fruitier) cumulait les fonctions de fromager et de maître d’école, ce qui lui était facile, s’il avait un peu d’instruction, car la fabrication fromagère cessait à partir de novembre pour reprendre en mars, l’année suivante.

On peut juger par là de ce qu’était l’enseignement donné dans de pareilles conditions par des maîtres improvisés dans une salle de classe éclairée seulement par une petite fenêtre et ne disposant pour tout matériel que d’une table et de quelques bancs. La première nomination régulière fut celle du sieur Claude Romain Reymond, installé le 15 décembre 1834 par le Comité des Écoles composé de trois membres.

Le maître recevait comme traitement fixe la somme de 200 F (du 1 novembre au 1 mars) et avait droit à la rétribution qui était fixée à 0.50 F par mois et par élève.

Il fut remplacé en 1842 par le sieur Jean Aimé Bondier, lequel fut autorisé par le Ministère de l’Instruction publique et installé le 13 février de la même année. Il jouit du même traitement que son prédécesseur mais la rétribution scolaire fut portée à 0.70 par mois.

En 1844, François Hippolyte Barbe succéda à M. Bondier. Le salaire fut porté à la somme de 600 F se décomposant comme suit : part de la commune , 200 F ; Rétribution scolaire, 1 F par mois ; part de l’État, le complément nécessaire pour parfaire la somme de 600 F.

On voit que l’État intervint pour la première fois dans le traitement de l’instituteur qui fut porté régulièrement au minimum de 600 F pendant de nombreuses années, sauf quelques légères augmentations par périodes quinquennales.

Ce ne fut qu’en 1882 que l’État décréta l’instruction laïque, gratuite et obligatoire et qu’il prit à sa charge le traitement de l’Instituteur, n’imposant les communes que de quelques centimes additionnels. Chacun y trouva son compte, tout d’abord la commune qui vit ses dépenses réduites ; ensuite l’instituteur, qui fut payé régulièrement, et n’eut pas à attendre un salaire de famine, ce qui arrivait lorsque la commune n’avait pas en caisse les fonds nécessaires pour payer le mandat trimestriel de l’instituteur.

Progressivement, mais bien lentement, la situation de l’instituteur s’est améliorée ; les méthodes d’enseignement se sont modifiées et l’instruction du peuple en a bénéficié. Les livres de classes, mieux compris et enrichis d’une foule de gravures instructives, facilitant la tâche du maître, ont contribué au développement de l’intelligence des élèves dont les progrès ont été plus rapides.

UN RETOUR EN ARRIERE

Pour bien établir un terme de comparaison entre l’école d’aujourd’hui et celle d’autrefois, l’auteur de ces lignes ne saurait mieux faire que d’écrire un récit des choses vécues et où il a joué un rôle actif.
Entré à l’âge de 6 ans (en 1853) à l’école de la commune qu’il habitait, il fut tout étonné qu’on y parlât le français, le patois étant le langage usuel de sa famille ainsi que celui des habitants de la campagne.
L’école récemment construite était convenable, le matériel bien que réduit à la portion congrue était en bon état. Il n’en était pas de même malheureusement dans toutes les localités. Pas de cour, pas de préau couvert, etc, etc mais il ne fallait pas être trop exigeant cette époque et savoir se contenter du nécessaire. Ainsi qu’il en était coutume alors, le chauffage de la classe était à la charge des parents des élèves. Ceux-ci devaient à tour de rôle fournir la quantité de combustible nécessaire au chauffage pendant les journées d ’hiver. Ainsi le peu de bois qu’apportaient chaque matin les élèves de l’école était-il insuffisant pour chauffer convenablement une vaste salle. Ainsi les élèves les plus éloignés du poêle grelottaient-ils souvent.

On ne se servait pas à cette époque de plumes d’acier. L’instituteur faisant la distribution des plumes d’oie qu’il taillait lui-même. Il perdait ainsi un temps précieux qui aurait pu être mieux employé.
Plus tard, en 1866, appelé à remplir les fonctions d’adjoint à l’école communale de Saint-Claude, il passa deux ans à l’ancienne maison d’école, vis à vis le collège (maison Lançon). Cette maison d’école qui devait être remplacée par la maison actuelle du centre, était dans un état de délabrement complet. Il faut qu’on sache que la petite classe contenait 130 élèves, sous la direction des deux maîtres. C’était un vrai taudis, éclairé seulement pas deux fenêtres donnant sur une petite cour empuantie par les latrines de l’école. Le parquet en briques s’effritait et les élèves piétinaient dans la poussière qui se répandait ensuite dans la salle. Il faut croire que les microbes n’avaient pas la même efficacité qu’aujourd’hui, car les épidémies y auraient régné en permanence. Cet état de choses durait depuis longtemps et ne cessa qu’en 1868 à la rentrée des classes, époque à laquelle eut lieu l’inauguration de l’école de la Montée de Saint-Romain.

Passé à Avignon à la rentrée des classes de 1869 le même maître ne trouva pas un fagot au grenier. La commune n’ayant pas de ressources, c’étaient les parents des élèves qui étaient chargés de pourvoir au chauffage de l’école. Ceux-ci répugnaient à faire cette corvée qui consistait tout simplement à couper dans les pâturages communaux et amener auprès de l’école le bois nécessaire au chauffage de la classe. Maître et élèves le fabriquaient eux-mêmes et se chauffaient avec du bois vert lorsqu’il était si facile d’avoir du bois bien sec et de qualité supérieure.

Que les temps sont changés ! ! ! !

CHAPITRE IV : De 1850 à 1895

PÉNURIE DE RESSOURCES

Après les vaches grasses, les vaches maigres.

La commune qui ne tirait ses ressources que de sa forêt, fut dans la gène pendant les nombreuses années qui suivirent la réalisation du quart en réserve. Sauf quelques baliveaux, la partie exploitée ne pouvait l’être à nouveau que 45 ou 50 ans plus tard. On ne pouvait compter sur l’autre partie de la forêt qui était destinée à l’affouage. Les produits qu’on en retirait étaient de peu de valeur et le rôle d’affouage couvrait à peine les frais et charges diverses : traitement des gardes, impositions etc. On avait fait en moins de dix ans des choses utiles dont profitaient les habitants : maison d’école, chemins, puits publics etc. mais tout cela demandait des frais d’entretien. Pendant les années qui suivirent ces créations, ils augmentèrent d’année en année au fur et à mesure de leur durée.

On équilibra le budget communal tant bien que mal jusqu’au moment où les grosses réparations s’imposèrent par suite de l’usure. Il fallait trouver de l’argent à tout prix pour faire face à cette situation obérée. La municipalité demanda en plusieurs reprises le vote de centimes additionnels pour équilibrer le budget, mais ces demandes furent repoussées par les plus imposés qui, en ce temps là, avait voix au chapitre. A force de restrictions, on put parer aux besoins les plus pressants ; mais on voyait les puits qui avaient coûté beaucoup d’argent, s’écrouler les uns après les autres faute d’entretien. La toiture des bâtiments communaux avait besoin de réparations qu’on retardait d’année en année etc, etc. Acculée à cette impasse, la municipalité qui n’avait plus d’autre ressource, demanda l’aliénation d’une partie de la forêt destinée aux coupes affouagères annuelles.

Heureusement l’administration des eaux et forêts plus prévoyante que la commune s’y opposa. Elle accorda seulement de temps en temps comme au compte goutte, la délivrance de quelques baliveaux qui existaient encore au quart en réserve, pour parer au plus pressé. Telle était la situation de la commune quand éclata la guerre de 1870 et qu’un homme aussi généreux que dévoué au bien public fut mis à la tête de la municipalité.

De cette époque date une ère de prospérité qui n’a fait que s’accroître de jour en jour, grâce à ce digne administrateur à qui la population d’Avignon est redevable de tant de bienfaits. Il s’agit de M. Eugène Goudard, mais n’anticipons pas sur les évènements, nous verrons par la suite ce qu’il a fait pour le bien être non seulement de la commune, mais pour celui de la région tout entière.

CHÂTEAU DE LA GOUTTE

Le château de la Goutte fièrement campé à mi-flanc de la côte d’Avignon est de date toute récent.
Il fut commencé en 1870 et ne fut achevé que l’année suivante, par suite de la guerre et d’une sécheresse sans précédent dans les annales du pays, qui firent suspendre les travaux.

Ici, quelques explications feront mieux comprendre son origine et éclaireront le lecteur. M. Eugène Goudard, né en 1820 à Divonne les Bains, avait épousé Mlle Rosalie Colomb qui lui apporta en dot le domaine de la Goutte et une ferme située en plein centre du village d’Avignon (ferme Millet Grospelier).

La famille Colomb, l’une des plus notables de Saint-Claude, possédait la propriété de la Goutte qu’elle s’était transmise de père en fils. Le dernier rejeton fut M. Désiré Colomb, pharmacien à St-Claude, père de Madame E. Goudard. Il avait occupé pendant quelques années les fonctions de Maire d’Avignon et il mourut en 1860.

Le domaine de la Goutte, qui a été considérablement agrandi et embelli, n’avait pas l’aspect qu’il a aujourd’hui. A une maison de fermes très antique et tombant en vétusté, était attenante la maison des propriétaires qui y venaient villégiaturer quelque temps dans la belle saison. Cette demeure n’offrait rien de remarquable, mais elle occupait un emplacement unique pour jouir d’une vue magnifique sur St-Claude et les belles montagnes du Jura. Mr et Mme E. Goudard qui exerçaient à Paris la profession de marchands lapidaires, acquirent une brillante fortune, grâce à un travail acharné et à une grande compréhension des affaires. Parvenus au retour de l’âge, ils songèrent à prendre un peu de repos et à jouir pendant quelques années encore du fruit d’un travail opiniâtre. C’est alors que fut décidée la transformation de l’ancien bâtiment, qui fut rasé complètement, et sur lequel s’élève la jolie habitation de La Goutte.

Il serait trop long d’énumérer en tous leurs détails les divers travaux nécessités pour l’embellissement des abords du château. Il faut que l’on sache seulement qu’ainsi qu’à Versailles, il fallut vaincre la nature, non pour détruire la forêt mais pour la créer. Au lieu d’une surface plane, on ne trouvait que profondes dépressions de terrain qu’il fallait combler ainsi que des roches à nu. Rien ne rebut M. Goudard, qui s’attela à la besogne avec une ardeur passionnée. Ce fut le travail de quelques années, car ses loisirs ne lui permirent pas de mener de front de grands travaux auxquels il aurait voulu prendre part parce qu’il avait “ la maladie de la pierre ” disait- il en riant.

Pour agrandir le potager, il fit construire deux énormes terrasses en moellons et, pour les combler fit enlever tous les “ murgers ” des environs. Ainsi, la nature a été vaincue et sur l’emplacement de l’antique demeure familiale s’élève une coquette habitation d’où l’on jouit d’une vue splendide sur la ville de St-Claude et sur les plus hautes cimes des monts Jura. Le domaine de la Goutte est sans contredit l’un des plus beaux de la région sanclaudienne. C’est en 1872 qu’eut lieu l’inauguration du château. M. Goudard voulut qu’elle fut un sujet de réjouissances pour toute la commune. Il invita à sa table les membres du conseil municipal et les notables de la commune. Les pauvres ne furent pas oubliés. Un bal fut organisé dans la cour du château et la jeunesse s’en donna à cœur joie. Les rafraîchissements coulèrent à profusion car le soleil était ardent. Cette fête locale qui constituait une rareté pour le pays à cette époque, avait attiré beaucoup de sanclaudiens qui en profitèrent à leur aise et dont ils ont conservé le meilleur souvenir.

L’année terrible

L’année 1870 fait date dans l’histoire : l’année terrible comme l’appela Victor Hugo. Pas une goutte d’eau ne tomba depuis fin mars jusqu’au 8 août. Les céréales du printemps levèrent à peine et ne fournirent que des tiges de quarante à cinquante centimètres aux épis presque vides. Il n’y eut pas de fourrage et le bétail souffrit presque autant de la soif que de la faim.

On fit flèche de tout bois : l’Administration forestière autorisa le pâturage dans toute l’étendue de la forêt, ainsi que l’enlèvement des feuilles des essences feuillues propres à l’alimentation des bestiaux : On en fit une provision pour l’hiver, afin de parer à tous les besoins. Heureusement, les pluies abondantes du mois d’août, arrivées encore à temps, réveillèrent la végétation engourdie par un repos si prolongé. Comme par enchantement, tout revint à la vie. Les herbages, qu’on croyait complètement perdus, se recouvrirent d’un gazon succulent. Par des ensemencements tardifs de plantes fourragères les cultivateurs parèrent un peu à la disette du fourrage qui avait complètement manqué. La récolte des pommes de terre fut très abondante. Dès les premières pluies, les tiges desséchées, qu’on croyait perdues, reprirent une vigueur extraordinaire et atteignirent des proportions inconnues jusque là. L’automne fut très chaud et il y eut suffisamment d’humidité pour faire produire des tubercules énormes. Ils n’arrivèrent pas à maturité et furent peu féculents, mais il y en eut suffisamment pour alimenter gens et bêtes.

Néanmoins, malgré les récoltes d’arrière saison, les agriculteurs souffrirent beaucoup de la sécheresse. Ils furent obligés de vendre à vil prix un bétail qu’ils ne pouvaient nourrir jusqu’à la future récolte fourragère. Aussi l’abondance du bétail sur les marchés fit-elle baisser les prix de vente à tel point qu’une vache de moyenne taille se vendait couramment 50 à 60 F. Ce fut une perte sèche pour l’agriculture. Non seulement le bétail souffrit de la faim , mais il souffrit tout autant de la soif.

Nous avons vu dans le chapitre précédent que la Commune d’Avignon ne possédait pas assez d’eau pour l’alimentation de la population en cas de sécheresse. Depuis 1870, elle a consacré toutes ses ressources à parer à ce manque d’au. Si pareille sécheresse se reproduisait on pourrait l’affronter aujourd’hui sans crainte. Dès le mois de mai, les puits furent complètement épuisés. Il fallut alimenter la population par des moyens de fortune. On se porta en dehors du village : au Niet, aux Fontenales, au Fraity etc.. mais cet appoint ne fut de de courte durée et, quand tout fut épuisé, on fut obligé d’avoir recours aux fontaines publiques de St-Claude.

Les possesseurs d’attelages, tout en conduisant à la ville une voiture de bois, ramenaient au retour, dans des tonneaux, l’eau qui leur était nécessaire. Ceux qui ne possédaient pas d’attelage en souffrirent davantage. Généralement ceux qui pouvaient ainsi s’alimenter, en faisaient profiter leurs voisins moins favorisés, moyennant quelques services à titre de compensation. Un puits avait été réservé pour parer à toute éventualité en cas de sinistre. Il fut épuisé à son tour et, par mesure de précaution, deux hommes de garde firent le guet chaque nuit jusqu’à la fin de la sécheresse. C’était une sage précaution, car la pompe à incendies n’aurait pu fonctionner faute d’eau.

L’eau qu’on se procurait comme on le pouvait n’était pas de première qualité, et on ne prenait pas la précaution de la faire bouillir ; néanmoins aucune épidémie ne se produisit et la salubrité publique n’eut pas à s’en ressentir.

Comme il existait un léger suintement au fond de chaque puits, on l’utilisa faute de mieux. On descendit au fond du puits au moyen d’une échelle qu’on y laissa en permanence ; on creusa un trou qui permit à l’eau de s’y amasser et d’y être recueillie facilement.
Il est inutile de dire qu’il ne fallait pas être pressé pour avoir un peu d’eau, car la nuit comme le jour le poste était occupé par quelque voisin dont rien ne décelait la présence en ce lieu. Les personnes délicates qui voulaient avoir une eau de table salubre, n’hésitèrent pas à se la procurer en allant la chercher à la source de la Bataille, à la Dégoutte et même au Maupas (Mauvais pas) à plus d’un kilomètre du village. Cette dernière source se trouve au pied d’une ligne de rochers délimitant la commune d’Avignon de la propriété de Plan d’Acier. Pour y accéder, il fallait faire des efforts d’acrobatie pour ne pas se rompre le cou. Voilà où l’on en fut réduit en 1870, année où l’eau ne fut pas gaspillée.

On peut citer, comme ayant eu des sécheresses de longue durée les années 1893 – 1900 – 1911 à 1921 – 1923 et 1928, mais elles commencèrent plus tardivement et ne compromirent qu’une partie des récoltes. Malgré leur durée, l’eau ne fit pas complètement défaut à Avignon comme en 1870, grâce aux améliorations apportées depuis cette époque au régime des eaux.

LA GUERRE DE 1870

Aux calamités de la sécheresse vinrent se joindre celles de la guerre. Celle-ci ne fut pas d’aussi longue durée que celle de 1914, mais elle le fut suffisamment pour faire souffrir cruellement de l’invasion allemande.

Commencée en juillet 1870, elle ne se termina qu’en février 1871, après de sanglantes défaites. La dernière fut celle du général Bourbaki qui essaya une diversion dans l’Est pour débloquer Belfort et faire lever le siège de Paris. Ce but ne put être atteint. Les armées allemandes bien équipées et bien ravitaillées, encerclèrent nos troupes épuisées entre Besançon et Pontarlier. Elles auraient été faites prisonnières par les allemands si la Suisse ne leur avait ouvert ses portes.

Ce fut le dernier sursaut de la résistance ; Paris assiégé capitula et un armistice fut signé. Les places de Bitche et de Belfort, les seules qui eussent résisté jusqu’à la dernière heure, furent évacuées par les français. Leurs glorieux défenseurs en sortirent fièrement avec armes et bagages, drapeaux déployés, devant les vainqueurs qui leur présentaient les armes. Les mobilisés du Rhône, commandés par l’héroïque colonel Denfert Rochereau, se retirèrent dans la direction de Lyon en suivant la frontière de l’Est qui n’était pas occupée. Ils voyageaient par étapes, car la ligne ferrée, Champagnole – Morez – St-Claude – La Cluse n’existait pas encore. Ils arrivèrent à St-Claude où ils séjournèrent pour prendre un peu de repos. Un détachement fut envoyé à Avignon où il fut reçu, comme bien on pense, à bras ouverts et l’accueil chaleureux que reçurent ces vaillants soldats leur réchauffa le cœur. Ils s’étaient battus comme des lions pendant 6 mois qu’avait duré le siège de Belfort et ils avaient bien droit à la reconnaissance du pays.

Bien que l’armistice fût signé, les Allemands occupèrent la Franche-Comté et poussèrent une pointe jusqu’à St-Claude où ils réquisitionnèrent du tabac et quelques denrées. La paix ayant été signée, ils n’y restèrent que quelques jours. Avignon n’eut pas la douleur de voir les casques à pointe apparaître sur son territoire ? Pendant cette guerre, la Commune n’eut à déplorer que la perte de l’un des siens, le nommé Joseph Jacquenod décédé à la suite d’une épidémie de variole. Mais, quelques années après, survint le décès de Gustave Jaillot, atteint d’une bronchite contractée dans la retraite de Bourbaki.

En vue de la libération du territoire occupé par l’ennemi, une souscription patriotique fut organisée dans tout le France. Celle de la Commune d’Avignon produisit la somme de 616,75 F somme importante à cette époque dans une petite commune qui était loin d’être riche.

ADMINISTRATION DE MONSIEUR E. GOUDARD

Les élections de 1871 portèrent à la tête de la commune Monsieur E. Goudard qui fut constamment réélu jusqu’à l’époque de sa mort survenue en 1895.

On a vu précédemment quelle était la situation précaire de la Commune, qui était sans contredit l’une des plus pauvres du département. Elle n’avait contracté aucune dette, mais elle pouvait à grand peine boucler son budget. Cependant, il y avait urgence à remettre en bon état la maison d’école où aucune réparation n’avait été faite depuis sa création. Les rues du village étaient trop étroites et d’une saleté repoussante ; il fallait faire disparaître les fumiers qui bordaient les chemins, procurer de l’eau à la population etc.

Monsieur Goudard se mit immédiatement à l’oeuvre et chaque année vit une amélioration nouvelle s’ajouter aux précédentes. Après les réparations faites à la maison d’école, il passa à l’exécution des travaux de voirie les plus urgents. Le puits central fut démoli et remplacé par un autre d’une contenance de cent mille litres. La chaussée fut exhaussée et nivelée pour faciliter l’écoulement des eaux stagnantes qui pouvaient par infiltration pénétrer dans le puits et polluer les eaux. Tous ces travaux furent exécutés sans bourse déliée par la commune. Les fumiers disparurent et les rues qui n’avaient guère que un mètre cinquante à deux mètres de largeur furent considérablement élargies, partout où faire se pouvait.

La maison d’école avait une assez belle apparence, mais les abords formaient un contraste choquant. Les propriétés voisines étaient closes par des murs croulants, mal entretenus, dangereux pour les enfants qui jouaient chaque jour à côté ; la cour et le préau de l’école n’existant pas en ce moment.
Afin d’y porter remède, Monsieur Goudard fit l’acquisition du Curtil Neuf qui se trouve devant la maison commune et l’entoura d’un solide mur en moellons, relevé en banquettes du côté de l’école afin de permettre aux enfants de s’y reposer. Il en fit tout autant du côté de sa ferme.

Au bout de quelques années, le village avait pris un aspect agréable et riant. Après le village, les chemins vicinaux furent l’objet de ses soins. Les tournants resserrés furent élargis, les rampes trop fortes adoucies et tous ces travaux furent exécutés en partie de ses deniers. Il avait en permanence un chantier où travaillaient quelques hommes âgés et nécessiteux qu’il occupait toute l’année et à qui il faisait gagner un peu d’argent. Il était lui- même à son heure chef de chantier. Il éprouvait un vrai plaisir à aller converser avec ses ouvriers, à leur offrir un cigare ou quelques rafraîchissements. A l’occasion, il ne dédaignait pas de mettre la main à la pâte et de payer de sa personne pour une démonstration. Aussi était- il adoré de ses hommes qui exécutaient sous ses ordres une foule de petits travaux très utiles et ne coûtaient rien à la Commune.

Il faudrait un volume pour raconter en détail tout le bien qu’à fait M. Goudard pendant qu’il a été à la tête de la Commune. Mais il ne se contenta pas d’assurer le présent, il songea à l’avenir et il faut que la jeune génération, qui ne l’a pas vu à l’oeuvre, sache combien elle est redevable à ce grand philanthrope, à cet homme de bien, dont le portrait orne les murs de la salle de la Mairie d’ Avignon.
Partout où il a passé, il a laissé son empreinte. Si la Commune a atteint une ère de prospérité jusque là inconnue, elle le doit en partie à cet habile et dévoué administrateur.

INDUSTRIE DIAMANTAIRE

Parvenu à la fortune, M. Goudard ne se contenta pas comme tant d’autres de jouir en égoïste du fruit de son travail. Il avait des vues plus larges ; il songea à ses compatriotes du Jura qui vivaient assez médiocrement avec un salaire peu rémunérateur. Devenu maire en 1871, M. Goudard E. s’efforça de développer la taille des pierres fines dont s’occupaient les familles Vuillet et Gauthier.

Mme Léopold Gauthier, excellente lapidaire, fut chargée de former des élèves parmi la population féminine et il fournit les établis nécessaires à cet apprentissage. Quelques années après, la Commune comptait une quinzaine d’ouvrières lapidaires. Mais il ne devait pas s’en tenir là : il voyait beaucoup plus loin. Il avait envie de doter son pays d’une industrie très lucrative qui était l’apanage exclusif des Hollandais, je veux parler de la taille du diamant inconnue en France, ou du moins qui ne s’y pratiquait pas en grand.

Pour parvenir à ses fins, M. Goudard envoya à Anvers quelques ouvriers intelligents pour s’initier aux secrets de la taille du diamant, telle qu’elle se pratiquait à l’étranger. Il fonda ensuite une petite taillerie à Paris où il forma de bons moniteurs pour ses futurs ateliers. Il en dota les départements de l’Ain et du Jura. La taillerie de St Genis-Pouilly fur la première ; celle de Divonne-les-Bains vint quelques années plus tard.

La première taillerie du Jura fut celle de Montbrillant (autrefois la Patinerie, parce qu’il y existait une papeterie) qui fonctionna en 1878. Il plaça à la tête de cette taillerie un homme énergique, M. Sylvain Dalloz qu’il commandita. Les ateliers de Montbrillant furent bientôt occupés. M. Goudard y envoya des jeunes gens à titre d’apprentis (aujourd’hui des vieillards) et il prit à sa charge les frais de nourriture et de logement. Cette nouvelle industrie implantée au pays tout nouvellement était appelée à un avenir prospère, aussi M. Goudard eut-il beaucoup d’imitateurs et des ateliers similaires furent créés à Saint-Claude. Dès ce moment, la taillerie de Montbrillant périclita. N’y demeurèrent que les ouvriers de la localité ou des environs que leurs immédiats y rattachaient. Quant aux autres, ils désertèrent Montbrillant pour se fixer à Saint-Claude où le séjour était plus agréable qu’au pied des rochers de Septmoncel. Les ouvriers d’Avignon furent de ce nombre, et leurs familles allèrent les rejoindre dans cette ville, ce que voyait avec peine M. Goudard qui n’avait pas prévu cet exode.

TAILLERIE D’AVIGNON

Afin de rapatrier ses administrés, M. Goudard se décida à construire une taillerie à Avignon malgré le peu de rapport qu’il espérait en retirer. Il prévoyait que les frais généraux seraient très élevés. Il fallait faire l’acquisition d’une machine à vapeur, payer un chauffeur et pour alimenter la chaudière, faire transporter à grands frais le charbon nécessaire, ce qui le mettait en état d’infériorité envers les établissements qui possédaient des moteurs hydrauliques.

Cependant, devant l’intérêt public, il n’eut pas un instant d’hésitation. On était au mois de juin 1884, et au mois de novembre de la même année, la taillerie commençait à fonctionner, grâce à l’activité de M. David Marius, architecte à St-Claude et à celles de Chanard, entrepreneur. Il est inutile de dire que les familles qui avaient quitté Avignon pour St-Claude, se hâtèrent de regagner leur petite patrie.

Ce fut l’aisance pour toutes les familles. Les femmes firent à la maison de débrutage du diamant que les hommes taillaient à l’atelier. Les jeunes gens apportaient à la maison 10 à 15 F. par jour, ce qui représenterait aujourd’hui 60 à 90 F. On vivait économiquement en famille, les uns travaillant à l’atelier diamantaire, les autres à la maison ou à des travaux agricoles, l’aisance se répandit donc dans la localité, dont la prospérité n’a cessé de s’accroître jusqu’à ce jour.

LA COOPÉRATIVE DIAMANTAIRE D’AVIGNON

Se sentant vieillir, M. Goudard conseilla aux diamantaires d’Avignon de former entre eux une société coopérative pour l’achat et la taille du diamant, en les assurant de tout son concours. Cette proposition fut acceptée avec empressement et la nouvelle Société fut constituée immédiatement. Elle fonctionna assez bien pendant quelques années, mais vivement sollicitée par la Société Coopérative de la Serre (Michaud-David) beaucoup plus nombreuse, mais qui manquait de capitaux, celle d’Avignon fusionna avec cette dernière.

La nouvelle Société coopérative, dont la succursale était à Avignon, prit dès lors un grand essor. Mais la politique, qui n’avait rien à voir dans une société en pleine prospérité, amena la division dans son sein. Quelques ouvriers s’en retirèrent. Ils travaillèrent pour des patrons ou pour leur propre compte dans des ateliers familiaux.

Cependant, la majeure partie des ouvriers d’Avignon restèrent fidèles à la coopérative de la Serre. Celle-ci fit l’acquisition de l’atelier qui appartenait à M. Goudard, et de locataire, en devint le propriétaire, en conservant le personnel, composé presque exclusivement des ouvriers d’Avignon.
Les dissidents, à leur tour, fondèrent une nouvelle société sous la raison sociale : “ Juhan-Saintoyant ”. Cette société qui est aujourd’hui dissoute, avait fait construire la Taillerie de la Boussière. Plus tard, d’autres ouvriers se groupèrent et construisirent près du village un petit atelier familial.

De tous ces ateliers sont sortis des ouvriers d’élite dont plusieurs on été primés à Paris à l’occasion de différents concours d’art industriel. Comme l’exemple est contagieux, des grands centres d’industrie lapidaire, sont sortis des ouvriers qui ont fondé des petits ateliers à la campagne. A Saint-Claude même, les ateliers familiaux ne se comptent plus. On peut dire sans exagération que l’industrie diamantaire, tant dans le Jura que dans l’Ain, occupe plus de 5 000 ouvriers qui gagnent largement leur vie.

Des ouvriers d’Avignon, sortis du rang, se sont élevés par leurs propres moyens à une grande aisance, sinon à une brillante fortune. Quant aux autres, grâce à leurs économies, ils mènent un genre de vie autrefois inconnu dans la localité.

ÉPOQUE DE RÉNOVATION : 1884-1895

Les mauvais jours sont passés pour les finances communales. L’époque n’est pas éloignée où le rôle de la forêt commencera à jouer de nouveau. La Commune avait voté la somme de 2 000 F en faveur de la ligne de chemin de fer de La Cluse à St-Claude. Cette dépense fut couverte au moyen de la vente d’une coupe extraordinaire du quart en réserve.

Les tournants de Avignonnets furent rectifiés tous deux pour adoucir une rampe trop forte. Une somme importante y fut consacrée, c’est encore la forêt qui en fit les frais. Cependant, pour le tournant du bas, M. Goudard en prit une partie à sa charge jugeant dangereux au moment du dégel le passage étroit entre deux parois de rochers, il fit abattre la partie orientale et les matériaux en provenant formèrent un talus qui a été depuis converti en jardin dans la partie du haut.

Les puits publics avaient besoin de réparation. Celui de la Boussière avait des fuites qui le mettaient à sec au bout de quelques jours de chaleur. Il fut cimenté et remis à neuf. Une canalisation emmena les eaux au Village. Des pompes remplacèrent les seaux en bois dont on s’était servi jusque là pour puiser de l’eau dans les puits.

Telles sont en leurs grandes lignes, les travaux les plus importants qui furent exécutés pendant la période qui s’écoula de 1884 à 1895.

LE CYCLONE – 1890

Beaucoup de personnes habitant la commune d’Avignon se souviennent du cyclone du 19 août 1890, qui exerça ses ravage depuis Oyonnax jusqu’à la forêt du Risoux près de Morez.

La ville de St-Claude, resserrée au fond de la vallée de la Bienne, fut la plus atteinte. Pas une toiture ne resta intacte ; des arbres plusieurs fois centenaires qui ornaient les places du Pré et du Truchet furent arrachés ou brisés. On aurait cru à un champ de bataille où tous les éléments déchaînés se seraient donné rendez-vous pour anéantir la ville.

Le village d’Avignon se trouva heureusement en dehors de la zone de destruction. Les dégâts qui y furent causés furent peu importants. La toiture de la maison Désiré Colin, aujourd’hui disparue, fut emportée ; quelques tuiles de la maison d’école et des feuilles de zinc du clocher de la chapelle furent enlevées ; un jeune tilleul près la maison Jules Saintoyant fut arraché ainsi que quelques noyers du côté des Trois-Maisons.

DÉCÈS DE MONSIEUR EUGÈNE GOUDARD – 1895

Pendant les 24 années qu’il administra la commune avec un zèle et un dévouement admirables, M. Goudard accomplit de grandes choses, mais la plus utile, sans contredit, fut l’introduction en France de la taille du diamant. Il contribua ainsi pour beaucoup à la prospérité de la région et notamment à celle de ses administrés. Aussi tant de dévouement à la chose publique attira-t-elle sur lui l’attention du Gouvernement qui lui accorda la croix de chevalier de la Légion d’honneur et jamais distinction honorifique ne fut plus méritée.

M. Goudard habitait Paris pendant l’hiver, mais à partir du mois de juin, il réintégrait régulièrement la Goutte qu’il aimait tant, et où il passait des jours tranquilles, entouré de ses enfants et de ses petits-enfants qui le chérissaient. Doué d’une santé robuste, il aurait pu vivre encore de nombreuses années, mais le destin en avait décidé autrement. Il fut atteint d’une broncho-pneumonie et mourut à Paris en mars 1895 à l’âge de 75 ans. Son corps fut ramené à St-Claude et inhumé dans le tombeau de famille.
Sa mort fut une calamité pour la commune où elle fut cruellement ressentie.

Sa veuve, digne associée des bienfaits de son mari, lui survécut encore quelques années. Elle mourut en 1910 à l’âge de 81 ans. Mais, en souvenir de son cher défunt, elle légua à l’Hôpital de St-Claude une somme importante, afin d’assurer à perpétuité un lit en cet Hospice en faveur d’un indigent de la Commune d’Avignon. Sa mémoire mérite d’être honorée au même titre que celle de son mari dont elle fut la continuatrice en fait des bonnes œuvres.

CHAPITRE V : de 1895 à 1930

Après la mort de M. Eugène Goudard, son fils, M. Fernand Goudard, lui a succédé en qualité de Maire d’Avignon, sans aucune interruption jusqu’à ce jour. Il a marché dans la voie que lui avait tracée son digne père et, comme lui, il a toujours songé au bien être de ses administrés.

Ami du progrès, il a toujours été en tête de tout ce qui a pu contribuer à la prospérité de la commune. Pas une oeuvre utile ne lui a été indifférente ; sa bourse à toujours été largement ouverte pour les soutenir. De crainte de froisser sa modestie, je ne relaterai pas tout le bien qu’il a fait depuis son avènement à la tête de la commune, c’est-à-dire pendant une période de 35 ans. Ce sont d’ailleurs des faits tout récents dont chacun a pu se rendre compte, et je n’insisterai pas là–dessus.

Secondé par des adjoints dévoués et un conseil municipal rajeuni, il a fait prendre à la commune un essor inconnu jusqu’ici. Mais il faut ajouter que la municipalité n’a pas connu la gêne de la période précédente. Les richesses de la forêt amassées lentement pendant de longues années ont suffi à mener à bien des innovations utiles.

Parmi les plus importantes, on peut citer l’électrification de la commune, la création d’un second puits à la Boussière, le lavoir des Puits, le préau couvert etc. La reconstruction de la maison d’école dont le projet avait été soumis à l’Administration quelque temps avant la guerre de 1914 a été ajournée, en attendant des jours meilleurs. Les pâturages communaux s’étant considérablement voisés depuis un demi-siècle sont appelés à enrichir la commune ainsi qu’on le verra plus loin. Les générations futures profiteront des efforts de leurs devanciers et elles auront à coeur d’améliorer sans cesse le patrimoine dont elles auront reçu le dépôt.

SOCIÉTÉ SCOLAIRE FORESTIÈRE – 1899

La commune possède de vastes pâturages attenants à la partie de la forêt communale destinée à l’affouage. Le sol en est aride, et la roche percé de tous les côtés si bien qu’ils sont impropres au pâturage, d’autant plus qu’ils sont envahis par des buissons et broussailles qui en occupent la plus grande partie. Cependant quelques sapins dressent fièrement leur tête, disséminés ça et là sur toute l’étendue des pâturages. Ces porte-graine ont suffi pour le commencement de l’enrésinement de l’amélioration des pâturages communaux.

L’instituteur, l’auteur de ces lignes, chasseur aussi passionné que grand ami des arbres, avait remarqué que quantité de jeunes sapins avaient pris naissance auprès des buissons où ils trouvaient assez d’ombre et de fraîcheur pour se développer et grandir. C’est alors que lui vint l’idée d’aider la nature dans son oeuvre de transformation afin de créer une forêt bien homogène, capable de résister à l’action des vents et de donner de la plus-value à des terrains improductifs, sans nuire au pâturage qu’il améliorera d’une autre manière.

C’était une innovation dont on ne voyait pas un profit immédiat. Les possesseurs de bestiaux imaginaient, bien à tort, qu’ils n’avaient plus assez de pâturages pour le bétail et ils manifestaient une sourde hostilité à ce sujet. Dans ces conditions, l’instituteur ne pouvait guère compter que sur lui-même et il résolut quand même de mettre à exécution un projet qu’il caressait depuis longtemps.
Au mois de février 1899, au sujet d’une inspection, il en parla à l’inspecteur primaire M. Delséries, qui l’encouragea fortement. L’inspecteur des Eaux et Forêts de St-Claude, M. Cochon, lui promit tout son appui et le recommanda auprès du Président de la Société forestière de Franche-Comté et Belfort (aujourd’hui Société forestière de Franche-Comté et des provinces de l’Est.).

Fort des encouragements qu’il reçut de part et d’autre l’instituteur se mit résolument à l’oeuvre si bien qu’à la fin de l’année, une pépinière avait été créée et ensemencée et deux mille épicéas avaient été plantés avec le concours des élèves de l’école. Les travaux furent continués d’année en année, et les pépinières fournirent suffisamment de plants pour les besoins de la Société. Il en fut même distribué à des sociétés similaires qui s’étaient fondées à l’instar de celle d’Avignon ainsi qu’à des particuliers reboiseurs.

Les élèves du cours d’adultes allèrent extraire dans la forêt communale quelques jeunes arbres feuillus qu’ils plantèrent le long du chemin de la Montagne, à partir de la Boussière. Les hommes de bonne volonté furent conviés en deux fois pour seconder le maître et les élèves. De sorte que 5 ans après, lorsque l’Instituteur fut mis à la retraite, 50 000 plants d’épicéa avaient été plantés dans les pâturages communaux, sans frais pour la Commune.

Ses successeurs ont continué l’oeuvre si bien commencée et là ou ne croissaient que des arbustes encombrants, se trouvent aujourd’hui massifs de résineux de toute beauté. Au congrès des améliorations pastorales et forestières de la Société française de l’économie alpestre (section du Jura) tenu à Saint-Claude le 11 août 1927, le jury fut émerveillé des résultats obtenus par la scolaire d’Avignon. Aussi, la plus haute récompense fut-elle accordée à la Commune, savoir : 400 F. à la Société scolaire forestière, une plaquette d’argent à M. Mayet son fondateur et une médaille de bronze argentée à M. Chouverez, instituteur, ainsi qu’un diplôme d’honneur.

Cette oeuvre de régénération se continue et chaque année voit s’accroître les plantations. Lorsque la forêt en marche sera réalisable et l’époque n’en est pas éloignée, la Commune en retirera un revenu appréciable. Elle sera sans contredit l’une des plus riches des environs de St-Claude.

FÊTE DE L’ARBRE

Au bout de trois années d’existence, la Société scolaire avait fait de rapides progrès. Un semis de résineux parfaitement réussi avait donné suffisamment de plants pour en remplir deux pépinières dans la forêt et même pour en mettre en bordure des carrés du jardin du maître.

Avignon avait attaché le grelot et de tous côtés, les instituteurs fondèrent des scolaires forestières. Le mouvement était donné, mais il fallait l’intensifier et vulgariser les méthodes d’organisation des nouvelles sociétés. M Chauvet, alors inspecteur primaire à St-Claude, un fervent ami des arbres, eut l’idée géniale de célébrer une fête de l’arbre à Avignon même, ce qui avait été le berceau des Sociétés Scolaires forestières. Des invitations furent lancées et une grande publicité fut faite par la voie de la presse locale. Mais le temps ne s’y prêtait guère ; le mois de mai était froid, pluvieux et neigeux ; on craignait pour la réussite de cette innovation. La fête avait été fixée au 21 mai 1901 et il n’y avait pas possibilité de l’ajourner. Heureusement le temps se remit au beau l’avant veille de la fête qui eut lieu par une journée splendide, ce qui contribua à l’allégresse générale. L’affluence des visiteurs fut considérable. Toutes les petites scolaires du département avaient été convoquées à la fête. Les maîtres accompagnés de leurs petits reboiseurs accoururent de tous côtés.

Le Curtil neuf n’était pas assez vaste pour contenir tant de monde. Monsieur M. Boryn, sous préfet, Grenier et Millischer inspecteur et inspecteur adjoint des eaux et forêts, Regad, maire de Saint-Claude, ainsi que de nombreuses notabilités de la région honorèrent cette fête de leur présence. Après le discours d’usage et la distribution des récompenses aux plus méritants, maîtres et élèves ainsi qu’aux agents forestiers qui en étaient dignes, la fête se continua par la visite des pépinières et plantations.
Elle se termina par un repas champêtre servi à froid, offert par la municipalité. Les jeunes gens de la commune transportèrent au sommet du Fayet les victuailles et rafraîchissements nécessaires. Ils avaient installé un stand et firent les honneurs de la fête. Chacun s’installa à sa guise sur le gazon verdoyant, les uns pour fumer une pipe, les autres, pour se rafraîchir et prendre un peu de nourriture avant de rentrer à la maison. Les enfants s’en donnèrent à coeur joie et la fête se termina par des chants de circonstance. Les élèves de St-Claude sous la direction de M. Forestier instituteur exécutèrent un chœur avec une précision remarquable (Les Sapins J. Dupont). La Société scolaire de Valfin, avec tenue et insignes exécuta des exercices de gymnastique avec un ensemble parfait. Elle fit honneur à son président, Monsieur Vincent-Genod, instituteur.

Comme toute fête de l’arbre nécessite la plantation d’un arbre, un sapin tout enguirlandé extrait de la forêt, fut planté pour commémorer cette belle fête champêtre. Il n’a pu survivre à de très fortes chaleurs qui durèrent longtemps. Peut-être aurait-il mieux réussi si la période pluvieuse eut continué.
La journée s’avançait, il fallut songer au retour et regagner ses pénates. Chacun emporta le meilleur souvenir de cette belle journée. Cette fête champêtre parfaitement réussie, eut un grand retentissement et elle contribua beaucoup à la diffusion des idées de reboisement dans la région.

GUERRE DE 1914-1918

Le souvenir de cette guerre, unique dans les annales de l’histoire, est encore présent à toutes les mémoires. Avignon, comme toutes les communes de France, en a ressenti les terribles effets. De nombreuses familles, fuyant devant l’envahisseur arrivèrent à Saint-Claude et furent réparties dans les communes environnantes.

Ces malheureuses populations du nord, hommes, femmes, enfants, vieillards, avaient quitté précipitamment leurs foyers, n’emportant qu’un peu de linge de corps pour tout bagage. Avignon en eut une large part. Il fallut leur procurer un gîte les choses de première nécessité. La municipalité fit face à tout et ces braves gens trouvèrent dans la Commune tout le réconfort désirable en ces tristes circonstances.

Le Maire, M. Fernand Goudard, qui avait l’habitude d’aller passer l’hiver à Paris, ne voulut pas quitter ses administrés au moment du danger ; il passa l’hiver à La Goutte et veilla à tout. Secondé par son adjoint, M. Ernest Saintoyant, il ne laissa manquer de rien les malheureux qui avaient trouvé un refuge à Avignon. Ce n’est que plus tard qu’il rentra à Paris, lorsqu’il vit que l’invasion était sérieusement enrayée. De là, il se tenait au courant de tout et on ne frappait pas en vain à sa porte.

Ce fut une période de transes continuelles qui ne prit fin qu’à la signature de l’armistice du 11 novembre 1918 dont on célèbre la fête chaque année. L’instituteur, secrétaire de la Mairie ayant été mobilisé, ce fut M. Ernest Saintoyant adjoint au Maire qui fut chargé du secrétariat. Il fournit une somme de travail considérable pendant quatre années, et grâce à une épouse dévouée, qui le seconda de son mieux, il fit face à tout.

Chacun fit vaillamment son devoir, les uns sur le front et les autres à l’intérieur. La commune d’Avignon eut à déplorer pendant cette longue guerre, la mort de trois de ses enfants : Gustave Gaillot, père de deux enfants : Philippe Saintoyant et Henri Bourbon, tous trois diamantaires, les deux derniers célibataires. Lucien Colin, également diamantaire, marié, fut gravement blessé et il lui en est resté une incapacité partielle permanente de travail : médaille militaire. L’un des fils de M. Goudard, Eugène est un grand blessé de guerre ; Félix, entré dans l’aviation fut blessé et fait prisonnier ; Maurice, en sa qualité d’ingénieur fut placé à la tête d’un parc d’automobiles. Tous trois ont fait preuve du plus grand courage et ont été décorés de la légion d’honneur. Gustave Favier fut fait prisonnier et resta un temps assez long en captivité, où il fut occupé à la culture des terres.

D’autres enfants de la Commune ont été certainement titulaires de la croix de guerre. Qu’on veuille bien excuser cette lacune l’auteur n’étant pas documenté pour les citer tous. L’inauguration du monument commémoratif de la grande guerre a eu lieu le 23 octobre 1921. Ce modeste monument, qui s’élève au Curtil-Neuf, a été édifié au moyen de dons et souscriptions. On a vu très succinctement les faits saillants qui peuvent intéresser le lecteur sur les origines d’Avignon et lui donner un aperçu du développement qui a pris cette petite localité depuis une cinquantaine d’années. Au chapitre VI, il sera fait un retour en arrière. On y verra quel était le genre de vie menée par les ancêtres, afin qu’on puisse établir une comparaison avec l’état actuel de la population.

CHAPITRE VI : Faits divers etc.

AGRICULTURE

Les terres arables de la Commune ne permettent pas d’obtenir d’abondantes récoltes. La plupart, les meilleures, laissent percer la roche et craignent la sécheresse. D’autres souffrent d’un excès d’humidité due à la nature du sol ; (roche dolomitique) ce dont des terres froides, dénommées : “Fraity”. Quoi qu’il en soit, toutes étaient mises soigneusement en culture autrefois, et on ne trouvait pas une parcelle inculte dans toute l’étendue du territoire de la Commune, même dans certains vides de la forêt à une altitude de plus de 800 mètres.

Les habitants vivaient comme ils le pouvaient des produits du sol et des industries qui s’y rattachent : élevage du bétail, fabrication de fromages, exploitation des bois. La tournerie était à peu près inconnue, bien qu’elle fut pratiquée en grand à St-Claude dont elle faisait vivre la population. On cultivait beaucoup d’orge, de seigle, d’avoine et moins de froment qu’aujourd’hui. Aussi, le pain de pur froment était-il rare. Le maïs, plante des pays chauds, se cultivait également à Avignon. On en faisait les bouillies qu’on surnomme “ les gaudes ” en Franche- Comté. On avait dû tenter la culture de la vigne au lieu dit : “ Aux Couronnes ”, car il n’y a pas très longtemps, on voyait encore des ceps de vigne à un endroit bien ensoleillé et abrité des vents du nord.

ÉLEVAGE DU BETAIL – FROMAGERIE

De tout temps, l’élevage du bétail a été en honneur chez tous les peuples, et il est encore la principale source de richesse des campagnes. Posséder à l’étable un grand nombre de têtes de bétail était autrefois un signe de fortune. Aussi, toute l’ambition des cultivateurs était elle d’agrandir le domaine familial. Pour y parvenir, on vivait chichement ; on se privait même du nécessaire pour mettre quelques écus dans le bas de laine.

En 1846, le recensement du bétail accusait 115 bovins, 15 bœufs de labour et 83 vaches laitières. On ne faisait plus l’élevage du porc, du mouton ni celui de la chèvre. Cependant, vers 1820, cet élevage était pratiqué ainsi qu’en font foi les arrêtés du Maire d’Avignon indiquant les pacages où devaient être conduits chèvres et moutons (Le Biolet). D’autres arrêtés limitaient la proportion des races ovines et caprines à un certain nombre par feu. Il en était de même des poules. Ces restrictions étaient dictées pour la sauvegarde des récoltes, difficilement garanties contre les dégâts que leur causaient ces animaux. Quant à la race chevaline, elle n’a guère varié depuis la Révolution, où le recensement des chevaux en vue de la réquisition pour l’armée, n’accusait, en 1793, qu’une jument et 3 chevaux, dont deux propres au service des armées.

En raison du développement de l’industrie, l’agriculture a été négligée. Sont mises en culture seulement les terres les meilleures et les plus rapprochées du village. Celles qui sont de peu de rapport ou trop éloignées se reboisent insensiblement chaque année. Le nombre des animaux domestiques a diminué mais il a gagné en qualité. On ne rencontre plus les petites vaches d’autrefois, au pelage roux clair, assez bonnes laitières, mais ne produisant que peu de viande à la boucherie. Par des croisements avec la race montbéliarde, on a obtenu des animaux plus charpentés. Cette sélection a amélioré la race du pays, sans lui ôter ses qualités primitives.

Il est à remarquer que les fourrages sont de meilleure qualité qu’autrefois. On cultive moins de céréales, mais on trouve beaucoup plus de prairies temporaires donnant un fourrage plus abondant et plus succulent. Les engrais consacrés à la culture des céréales sont répandus sur les prairies artificielles et les tiennent en bon état. On commence à employer les engrais chimiques qui améliorent les fourrages en leur donnant des qualités plus nutritives. L’usage des tourteaux et autres résidus se généralise. En somme, le bétail est mieux nourri qu’autrefois et son rendement en viande et en lait ne fait que progresser.

FROMAGERIE

Actuellement, le lait qui n’est pas consommé dans la localité est recueilli par des laitiers qui le conduisent à la ville où il est vendu 1,40 F à 1,50 F le litre. Il n’en était pas de même autrefois. On a vu qu’en 1793, on avait construit la maison commune qui servit de fruitière ou fromagerie. (le chalet, terme local). Apparemment on fabriquait déjà avant cette époque le fromage de gruyère à Avignon ainsi que dans tous les villages franc-comtois, où des Sociétés coopératives de fromagerie existaient depuis plusieurs siècles. Pareille société exista à Avignon jusqu’en 1886. Ce qui entraîna sa dissolution fut le manque de lait à convertir en fromage.

La quantité de lait avait bien diminué : les fromages étant plus petits, avaient perdu de leur valeur marchande et cependant les frais généraux étaient restés les mêmes, ce qui réduisait d’autant le produit du lait. Telle fut la fin d’une société qui avait rendu de grands services à une époque où l’industrie était encore à l’état rudimentaire. Au temps de sa plus grande prospérité, la fruitière d’Avignon produisait 10 000 à 12 000 kg de fromage vendu 100 à 120 F les cent kilos, du mois de mars au mois de novembre. Mais vers 1860, les fermes isolées : les Trois Maisons, le Bois de Ban ; la Goutte, le Finet etc.. abandonnèrent la fruitière d’Avignon pour vendre leur production laitière à St- Claude où le prix était plus rémunérateur. Les anciens de la commune ont vu les fermiers de la Tuffe (Plan d’Acier) et ceux de la Grange de la Montagne apporter leur lait au chalet d’Avignon.

FORÊT

La forêt d’Avignon forme la principale richesse de la Commune. C’est elle qui a permis de construire des chemins, une maison d’école , des puits publics, etc.. ainsi qu’on l’a vu précédemment. Cette forêt occupe un vaste plateau qui s’étend depuis la Grange de la Bataille à celle de la Montagne. Elle comprend 499 hectares don 261 hectares appartiennent à la Commune et 238 hectares à divers particuliers.

La partie appartenant à la commune est divisée en deux parties : les trois quarts sont destinés à l’affouage ou bois de feu, délivré chaque année aux habitants, le quat forme la réserve dont les ventes extraordinaires alimentent le budget communal lorsque le besoin s’en fait sentir. La coupe affouagère suffit largement au chauffage des habitants et procure même un bénéfice appréciable.

Avant que l’industrie diamantaire se fut implantée au pays, quantité de petits ménages étaient alimentés par la vente d’une charretée de fagots qu’on conduisait à St-Claude chaque samedi. Ils étaient si bien présentés qu’ils faisaient prime sur le marché où l’on se les arrachait. Il n’y en avait jamais assez. Avec le produit de cette vente, on achetait les données alimentaires de la semaine : pain, viande, sucre etc, car il n’y avait pas d’épicerie à Avignon en ce temps là.

Les coupes affouagères forment un taillis sous futaie dont la durée de la révolution est fixée à 30 ans, l’étendue de la coupe à délivrer chaque année est donc d’environ 7 hectares. Pour leur exploitation, le marché en est donné à des bûcherons qui abattent le bois, le façonnent et en forment des lots qui sont tirés au sort par les affouagistes.

Il n’en a pas toujours été ainsi, au grand détriment de la forêt. Il n’y a pas longtemps encore, les lots étaient partagés sur pied et chaque affouagiste était chargé d’exploiter à sa guise le lot qu’il lui était échu. Qu’en résultait-il ? La rapacité des uns excitait la jalousie des autres, et c’était à qui abattrait le plus de jeunes brins destinés à l’avenir de la forêt et qu’on réserve avec soin aujourd’hui. Aussi, le taillis communal à-t-il complètement changé d’aspect depuis que le partage sur pied, si préjudiciable, a cessé.

Les bois particuliers sont exploités comme futaie jardinée. On n’y rencontre que peu d’arbres volumineux, la nature du terrain rocailleux ne permettant pas d’arriver à produire du bois d’œuvre. Mais en revanche, de belles perches forment le fonds de la forêt. Lorsqu’elles atteignent 12 à 15 centimètres de diamètre, elles sont exploitées comme bois de feu destiné à St-Claude.

Sur les souches pousseront de nouveaux sujets formant des cépées de régénération qui seront abattues au fur et à mesure qu’elles atteindront les dimensions voulues pour donner du bois de corde (terme vulgaire). Ainsi traités, les bois particuliers sont d’un meilleur rapport que ceux qui sont soumis au régime forestier.

La forêt d’Avignon est constituée en majeure partie par des essences feuillues où le hêtre domine. Depuis une centaine d’années, on a introduit dans la forêt des résineux, l’épicéa notamment. Ces plantations ont réussi et les vides des prés bois sont d’un bel aspect.

Malheureusement, depuis une vingtaine d’années, le scolyte typographe, appelé aussi bostryche, a fait son apparition dans la forêt d’Avignon et y cause des ravages. C’est un insecte qui s’introduit entre l’écorce et le bois, y creuse des galeries et s’y multiplie tellement qu’il fait périr l’arbre qui en est attaqué. Il n’y a pas d’autre ressource que d’abattre les arbres suspects. C’est ce qu’a fait la commune d’Avignon qui en deux fois en a fait une vente dont elle a retiré près de 40 000 F.

Malgré ce fâcheux état de choses, on continue l’enrésinement de la forêt, tant sur les propriétés particulières que dans les bois communaux. Ce qui fait totalement défaut dans la forêt, c’est l’eau. On n’y rencontre pas une source. Pour palier à cet inconvénient, on a construit un puits à droite du chemin en pleine forêt au lieu dit : “Les Sous”. Ce puits dont l’eau est fraîche et pure, date seulement de 1872.

REVENDICATIONS – ÉCHANGES

Les habitants de la Communauté d’Avignon eurent autrefois à défendre pied à pied le territoire de la forêt convoitée par la Ville de St-Claude et les communautés environnantes : Ponthoux, Cuttura et Valfin. Les particuliers eux-mêmes revendiquaient des bois dont la possession était douteuse. Des procès sans nombre étaient engagés et ils donnaient lieu à des arpentages très onéreux.

Le peu qui subsiste des archives municipales donne une idée de la confusion qui régnait dans la forêt à une époque où aucune limite n’était bien précise. En 1745, la Maîtrise des Eaux et Forêts de Poligny dressa le plan de la forêt d’Avignon pour mettre fin aux contestations des habitants de St-Claude, plan qui fit loi jusqu’en 1912 époque de l’établissement du plan cadastral actuel.

Il n’était pas possible de contenter tout le monde et des discussions sans cesse renaissantes mettaient aux prises les parties adverses qui en venaient aux mains pour se faire rendre justice. On dit que des coups de feu furent même échangés de part et d’autre, ce qui n’a rien de surprenant à une époque où la loi du plus fort était encore la meilleure.

Des échanges de parcelles boisées eurent lieu à diverses époques entre la Commune et divers particuliers. En 1803 et 1810, des échanges eurent lieu avec le sieur Vandel, propriétaire du Finet. Un autre fut fait entre Claude Antoine Wuillerme et la Commune en 1838. Celle-ci céda une parcelle au lieu dit : “ La Charbonnière ” et une autre au lieu dit : “ Le Pré Laurent ” (les deux passées à M. Goudard). La Commune reçut en échange un bois enclavé dans la forêt communale à la limite de la Commune de Ponthoux.

Il est à remarquer que les besoins de la population n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui : on manquait de pâturages et on avait suffisamment de bois. C’est l’inverse qui se produit aujourd’hui : on reboise les vides créés par les ancêtres.

INDUSTRIE

En dehors de la culture des terres et de l’exploitation des bois qui formaient leurs principales ressources, les habitants d’Avignon ne se livraient guère à d’autre occupations. Cependant, pendant la saison d’hiver, quelques tourneurs fabriquaient des petits jouets en bois ou en os, dits articles de St-Claude mais ils étaient en petit nombre. La plupart tressaient des paniers (des balles) pour les industriels de St-Claude ou des corbeilles pour les terrassiers. Ceux qui n’avaient que peu de terres à cultiver s’en allaient au dehors, du mois de mai au mois de novembre. Ils étaient occupés à la confection des fours à chaux ou à la réparation des murs de clôture des pâturages de la Haute Montagne.

Le Jura Suisse en occupait beaucoup. Pendant ce temps, les femmes et les enfants étaient chargés de la culture des terres et des soins du ménage. A partir de 1860, la fabrication de la pipe en racine de bruyère avait pris une grande extension. Les tourneurs d’Avignon abandonnèrent les anciens articles pour se livrer à la fabrication des tuyaux de pipes en os, corne ou celluloïd. Les jeunes gens embrassèrent cette profession , qui devint la seule de la Commune jusqu’au moment où l’industrie diamantaire dont on a parlé précédemment a supplanté la tournerie (1884).

CHASSE

Le territoire d’Avignon est admirablement situé pour être giboyeux. Sur le plateau est une vaste forêt (600 hectares) au levant, à bonne exposition jusqu’à la Bienne, des pâturages et des terres cultivées rien n’y manque si ce n’est un peu d’eau dans la forêt.

Malgré cette situation avantageuse, le gibier n’y est pas abondant. Comme gibier sédentaire, on n’y trouve que lièvres et gélinottes. Accidentellement, on rencontre de loin en loin quelques nids de bécasses ou de coqs de bruyère. Le chevreuil ne fréquente pas la forêt d’Avignon. Un seul y a été tué depuis un demi-siècle. Le sanglier n’y a fait son apparition qu’après les guerres de 1870 et 1914-1918 mais n’y est pas sédentaire.

En 1870, on trouvait encore quelques compagnies de perdrix rouges et de grises. Mais petit à petit la culture des terres a été négligée, les pâturages communaux de se sont boisés et les perdrix ont disparu. Malgré les lâchers successifs qui ont été tentés par la société de chasse de St-Claude ces dernières années, on n’a pu arriver à un bon résultat. La grive elle-même, ce gibier si intéressant pour les petits chasseurs au reclin, n’existe plus qu’à l’état de souvenir.

Où sont les passages d’automne où la grive des vignes et le merle, dès le 15 septembre, grouillaient un peu partout et se répandaient jusque dans les haies, aux approches du village ? Quelles hécatombes en auraient faites les as du reclin ! Ces beaux jours sont passés et on ne les reverra plus, hélas !

Quant au gibier de passage, autre que la grive, il ne reste que la bécasse, le ramier ne s’arrêtant pas en route. Malgré la guerre incessante qui lui est faite au moment des passages du printemps et de l’automne, la dame au long bec a mieux résisté que la grive. C’est apparemment qu’elle ne se laisse pas influencer par le reclin.

On dit qu’autrefois la chasse était plus fructueuse qu’aujourd’hui. Je veux bien le croire. Où il n’y avait qu’un chasseur, il y en a dix actuellement. Mais la chasse d’Avignon, si rapprochée de St-Claude, devait se ressentir de ce voisinage. Les braconniers de tout acabit et les chiens courants qui divaguaient en tout temps se chargeaient de la dépeupler. La situation n’a guère changé depuis 1870 et, bon an, mal an, on n’a jamais tué plus de 10 à 15 lièvres par saison de chasse, quand ce chiffre aurait pu être triplé avec une surveillance plus rigoureuse.

La Société de chasse de St-Claude fondée en 1923 a fait des lâchers de lièvres chaque année et le repeuplement est en bonne voie. Il en était temps, car chose incroyable, on n’avait pas tué un seul lièvre en 1921 et 1922 sur une étendue de plus de 800 hectares et pour cause. En 1930, le nombre des lièvres abattus, tant dans la côte de St-Claude que sur le plateau d’Avignon, a dépassé la quarantaine c’est à dire que la Société syndicale de chasse de Saint-Claude y a largement contribué.

BATTUE AUX SANGLIERS (1872)

La guerre de 1870 avait refoulé les sangliers qui étaient nombreux dans les forêts des Vosges.
Une bande d’une douzaine de ces pachydermes vint se cantonner dans la forêt d’Avignon et causait des dégâts aux récoltes.

Sur la sollicitation des cultivateurs, le Maire demanda une battue administrative qui eut lieu fin juillet 1872, sous la direction des agents des Eaux et Forêts de St-Claude. Furent invités à y prendre part tous les chasseurs munis d’un permis de chasse, ainsi que des rabatteurs. Il en vint de toutes les communes environnantes et notamment de Saint- Claude. C’était une agréable distraction pour les chasseurs qui attendaient avec impatience l’ouverture de la chasse.

La battue commença près la Grange de la Montagne et se dirigea du côté de la Grange de la Bataille qui se trouve à l’extrémité sud de la forêt. Il était midi et l’on n’avait pas rencontré de sangliers lorsqu’on arriva à la Bataille. Il faisait chaud, les hommes avaient faim et soif. Ils quittèrent la battue et s’installèrent sur le gazon pour se restaurer. Cependant quelques chasseurs, des vrais ceux-là, n’avaient pas abandonné tout espoir et ils avaient continué la battue à leur façon. Ils trouvèrent la harde dans sa bauge à quelques centaines de mètres de la ferme dans un fourré inextricable.
L’alerte fut donnée et les chasseurs qui avaient abandonné la battue reprirent précipitamment leurs armes. Les sangliers furent cernés ; deux marcassins de 45 kilos environ furent abattus ; l’un, par le grand Vuillermoz des Combes de Valfin, l’autre par Lupicin Meynier de St-Lupicin.

Malheureusement, ce succès fut attristé par un regrettable accident. Dans le feu de la précipitation un chasseur imprudent tira dans la direction du nommé François Goz de Champ Rond, commune de St-Lupicin, lequel eut la cuisse droite traversée par une balle. Aucun muscle n’ayant été atteint, le blessé en fut quitte pour un mois de repos. Une collecte fut faite en sa faveur et le blessé fut largement indemnisé de la perte de temps que lui avait fait subir cet accident sans gravité.

Cependant, les sangliers n’avaient pas quitté la commune et une nouvelle battue eut lieu l’année suivante, mais sans résultat. On battit bien en tous sens la forêt d’Avignon mais on n’y pouvait trouver le gibier recherché qui était descendu à la Tuffe ce jour là. L’invasion de 1914-1918 a ramené de nouveau les sangliers. Ils ont fait des incursions jusqu’aux portes de St-Claude, mais leurs dégâts n’étant pas importants, il n’a pas été organisé de battue officielle. Les chasseurs d’Avignon agirent isolément en temps de neige et ne furent pas heureux seuls, ceux de Ponthoux réussirent à abattre une laie de 90 kilos. Ces pachydermes se sont retirés et se sont cantonnés dans les forêts entre Moirans et Arinthod où il s’en tue quelques uns chaque année. Ils y résident en permanence et s’ils font parfois une incursion sur le territoire d’Avignon, elle n’est que de courte durée.

AUTREFOIS ET AUJOURD’HUI : Mœurs et coutumes

Si l’on remonte à une centaine d’années, on est frappé des changements en tous genres qui se sont opérés depuis cette époque.

Le chemin de fer n’existant pas encore, les communications n’étaient pas faciles et beaucoup de gens naissaient et mouraient dans le village sans avoir visité une grande ville. On vivait simplement à Avignon comme du reste dans tous les villages des environs. Les légumes qu’on récoltait formait le fonds de la nourriture. Le matin, c’étaient les gaudes (bouillie de maïs) mets franc-comtois en usage dans toute la région, à midi, une bonne soupe où la cuillère tenait debout, suivie d’un plat maigre, le soir une soupe également accompagné d’un morceau de pain et de seret (fromage de 2ème
qualité).

On mangeait rarement de la viande de boucherie, mais seulement un peu de lard. En revanche, on consommait beaucoup de pain bis qu’on fabriquait dans chaque ménage et avec lequel on trempait ces soupes nourrissantes qui tenaient lieu de viande. Cette nourriture n’étant pas très substantielle, l’appétit se faisait sentir peu de temps après le repas ; aussi faisait-on un petit goûter vers dix heures du matin ou quatre heures du soir, c’est ce qu’on appelait vulgairement : faire les 10 heures ou les 4 heures. De temps en temps, une omelette venait varier le menu mais les ménagères n’en étaient pas prodigues. Elles préféraient conserver les œufs pour les vendre à la ville au prix de 0,40 F à 0,60 F la douzaine.

L’eau était l’unique boisson, et bien rares étaient les ménages qui avaient un tonnelet à la cave ; on ne buvait du vin que dans les grandes occasions. Recevait-on une visite de parents ou d’amis, on avait recours à l’auberge du village où l’on allait à l’emplette avec la pinte (bouteille qui contenait 2 litres). Cependant, à dater de 1860, l’usage du vin se répandit dans les campagnes. Chaque ménage un peu aisé voulut en avoir dans sa cave, mais on en usait avec parcimonie.

En fait d’habillements, on dépensait très peu. Dans la semaine, on portait des vêtements confectionnés par la tailleuse du pays avec les produits de l’agriculture locale : drap grossier, toile plus ou moins fine etc. La blouse était de rigueur, mais celle de la semaine était remplacée le dimanche par une blouse neuve qui était généralement bleue. Faisait-il un froid un peu vif, on mettait un sous-vêtement chaud (gilet de laine) pour se garantir du froid. Lorsqu’on était obligé d’assister à une cérémonie, on endossait l’unique veste qu’on possédait depuis fort longtemps. Était-elle en mauvais état, on empruntait celle d’un parent ou d’un ami.

On cultivait beaucoup de chanvre avec lequel on fabriquait de bons drap de lit, un peu grossiers, mais inusables. Les hommes en faisaient même des vêtements de travail qu’ils teignaient de diverses nuances. Le droguet était une étoffe mi-laine, mi-toile fabriqué par les tisserands du pays. Chaque village avait son tisserand et un teinturier. Dans tous les ménages se voyaient un ou plusieurs rouets (filettes) avec lesquels les femmes filaient le chanvre ou la laine pendant les longues veillées de l’hiver.

Une jeune fille venait-elle à se marier le rouet traditionnel muni d’une quenouille enrubannée, faisait toujours partie de son trousseau lequel était transporté cérémonieusement au domicile de son fiancé dans les huit jours qui précédaient la noce.

Après la récolte du chanvre (fin août) on l’étendait sur le sol pour le faire rouir afin que les fibres s’en détachent facilement. Mais on ne le teillait que l’hiver, époque de repos pour les gens de la campagne.

Afin d’économiser huile et combustible, on se réunissait à tour de rôle chez les voisins. Dans une vaste pièce appelée le “poale” cinq à six fileuses étaient rangées autour d’une lampe en cuivre appelée “crijeu” dans laquelle brûlait dans un peu d’huile une mèche formée de brins de coton. Les enfants, rangés dans un coin apprenaient le catéchisme ou feignaient de l’apprendre car leur attention était plutôt portée à écouter ce qui se racontait dans la salle. C’étaient des contes saugrenus, des histoires de revenants ou des récits de guerre des anciens qui avaient accompagné Napoléon sur les champs de bataille, récits où l’imagination jouait le plus grand rôle.

Vers la mi-septembre, c’étaient de nouvelles soirées familiales pour le dépouillement des épis de maïs. On enlevait les feuilles qui les entouraient ; on les mettait soigneusement de côté pour en faire des paillasses. Quant aux épis auxquels on avait laissé deux feuilles, on les liait par paquets de quatre à l’aide de ces feuilles et ils étaient suspendus sous l’avant-toit de la maison où le soleil achevait leur maturité. On les suspendait également au plafond des pièces habitées pour leur complète dessiccation. Ces soirées se terminaient gaiement, soit par une légère collation, soit par des danses du pays ou des chants. La principale danse était le « branle” où jeunes et vieux tournaient en rond au rythme du chant de l’un des danseurs.

Au moment de la conscription, qui avait lieu en janvier ou février, c’étaient de nouvelles réjouissances. Les conscrits et leurs accompagnants s’y préparaient longtemps à l’avance. Ils se réunissaient et étudiaient les chants guerriers, un peu naïfs, mais de circonstance, pour égayer les fêtes qui duraient parfois huit jours. Le jour venu, clairons ou tambours en tête, accompagnés des anciens et des parents, les conscrits enrubannés se rendaient en chantant au chef lieu du canton. C’était un jour mémorable pour eux, car il fallait choisir un numéro qui pouvait les lier pour sept ans au service de la patrie, selon que ce numéro était haut ou bas. La classe tout entière n’était pas appelée. On commençait par les plus bas numéros et l’on s’arrêtait lorsque le contingent fixé d’avance était au complet. Si bien que les jeunes gens qui avaient tiré des bas numéros étaient assujettis au service militaire pendant sept ans, tandis que leurs camarades plus heureux étaient exonérés de tout service militaire. On juge par là de l’importance qu’on attachait à la conscription, à laquelle toute la population prenait part.

D’après ce qui précède, on peut se rendre compte du genre de vie que menaient nos ancêtres il y a à peine un siècle. C’était un peu la vie patriarcale : on gagnait peu d’argent, mais on l’économisait. Il y avait toujours quelques écus dans le bas de laine pour faire l’acquisition d’une terre servant à arrondir le patrimoine de la famille.

Depuis 1860 il y a eu un changement à vue. Le travail a été mieux rémunéré ; le prix de la journée de travail est passé de 2 à 3 francs en peu de temps et successivement à 4, 5 et 6 F. selon la profession à laquelle on se livrait. L’industrie s’étant considérablement développée depuis un demi siècle, a nui à l’agriculture qui a été un peu délaissée. On a trouvé plus avantageux d’acheter des produits tout manufacturés que de les fabriquer au village même. Plus de chènevières, plus de rouets, de tisserands etc. L’usage du café au lait le matin s’étant répandu, plus de gaudes et par suite plus de culture de maïs. Adieu les veillées d’antan qui avaient cependant leur charme !

La nourriture est plus substantielle et plus raffinée. On sert de la viande et on boit du vin à tous les repas. Le complet veston a remplacé la blouse bleue traditionnelle et l’on ne distingue plus le villageois du citadin. Le vieux “ crujeu ” fumant les lampes à huile et à pétrole ont cédé le pas à la fée électricité qui a pénétré dans toutes les maisons. Les moteurs électriques ont permis de créer ces petits ateliers familiaux qui rendent tant de services.

Les anciennes charrettes à bras ne circulent plus d’Avignon à St-Claude, mais un service à peu près régulier d’automobile facilite les affaires et rend les communications moins pénibles. Un village coquet dont toutes les maisons ont été restaurées et où tout respire l’aisance a succédé à l’ancien village à l’aspect misérable et repoussant d’autrefois. L’intérieur des maisons est très bien tenu et fait honneur aux ménagères. Les enfants qui fréquentent l’école sont habillés proprement et leur tenue fait plaisir à voir.

Que de progrès accomplis en peu de temps dont profite la génération actuelle qui doit être reconnaissante à ceux qui lui ont procuré le bien-être dont elle jouit !

SITES PITTORESQUES – CURIOSITÉS NATURELLES

Le village d’Avignon est à une altitude de 729 mètres et le point culminant de la forêt à 925 mètres sur le Cret des Rivons. Au fur et à mesure qu’on s’élève par le chemin d’Avignon à St-Claude on commence à apercevoir une partie de la ville de St-Claude. Arrivé au point culminant au lieu dit : “ sur la Cula ”, on s’arrête un instant pour contempler à ses pieds la ville entière aux toits étincelants avec prolongement de la vue sur l’Essard et Montbrillant.

C’est un beau spectacle qui devient féerique la nuit. Qu’on se représente des milliers de lumières qui brillent comme autant d’étoiles au fond de la vallée par une nuit obscure ! De “ la Cula ” on trouve sur sa route le domaine de “ La Goutte ” propriété de M. Goudard, maire de la Commune. Avant d’arriver au village d’Avignon, les étrangers ou touristes peuvent visiter les tailleries de diamant qui sont au bord de la route.

La visite du village ne sera pas de longue durée. Un coup d’œil à la petite chapelle et au monument aux morts, à la maison Commune, devant laquelle on verra l’ “ Arbre de la Liberté ” planté en 1793 au moment de la Révolution. C’est un chêne magnifique qui est en pleine vigueur.

En sortant du village, par le chemin de la Bataille, on arrive au “ Crêt du Niet ” d’où la vue s’étend au loin sur la vallée de la Bienne. Tout au loin, sur un plateau, on aperçoit le village de Rogna et l’on voit même briller le clocher du village de Choux.

Le coup d’œil est digne d’être donné sur ce vaste horizon, mais il n’est pas comparable à celui de l’hiver par un grand soleil. La vallée est remplie d’un brouillard très dense qui moutonne. On a donc l’illusion d’avoir à ses pieds une mer au sein de laquelle émergent quelques cimes qui représentent des îlots éparse çà et là. On reste en contemplation devant ce panorama qui ne se produit qu’en hiver et si un soleil radieux se met de la partie.

Du Crêt du Niet, on gagne la Grange de la Bataille qui se trouve à une altitude de 830 mètres. Cette ferme évoque quantité de souvenirs. C’est là qu’eu lieu un combat sur lequel on n’est pas documenté. Ce combat eut-il lieu, comme on le suppose, entre les partisans de la France ou de l’Espagne, ou plus simplement entre les habitants des communautés d’Avignon, Ponthoux et Étables, au sujet de revendications de forêts ! Nul ne saurait le dire. La croix en pierre érigée en cet endroit ne porte que l’inscription : 1617.

Le propriétaire de la Grange de la Bataille, le sieur Nicolas Saintoyant, était un des notables de la Commune d’Avignon. Pendant la Révolution, il remplit les fonctions de receveur municipal (percepteur) et fut maire pendant 39 ans, de 1792 à 1831. C’est à la Bataille que les prêtres non assermentés recevaient l’hospitalité pendant la tourmente révolutionnaire. La grotte dont il a été parlé leur servait sans doute de refuge en cas d’alerte. Elle est si bien dissimulée qu’il n’est pas facile de la découvrir ; c’est pourquoi les habitants d’Avignon y avaient caché ce qu’ils avaient de plus précieux en 1870 et 1914, pour le soustraire à l’ennemi en cas d’occupation du territoire de la Commune.

En prenant un chemin de desserte près de la ferme, dans la direction du couchant, on parvient sur l’arête du versant de Ponthoux. De là on a une belle vue sur la vallée du Lizon d’où l’on découvre les Villages de Ponthoux, Lavans, Pratz, Saint-Lupicin, Cuttura et Ravilloles et même la Roche d’Antre. Au retour, au lieu de rentrer à Avignon par le chemin parcouru à l’aller, on peut emprunter l’ancien chemin s’engageant dans la forêt, lequel conduit à Avignon également. Au sortir de la forêt, à une altitude de 800 mètres on découvre les plus hautes cimes des Monts Jura : Le Reculet, le Crêt de la Neige, le Crêt de Chalame etc.

Si l’on est bon marcheur, on peut également rentrer à St-Claude par le Finet en longeant la forêt dans la direction du nord et jusqu’à la Grange de la Montagne sans passer à nouveau par le village d’Avignon. Un chemin classé comme chemin vicinal part d’Avignon et correspond à la Grange de la Montagne mais il n’est praticable pour les voitures automobiles qu’aux deux tiers du parcours. Il est prudent de s’arrêter au lieu dit : Les Sous, près du puits qu’on trouve à droite du chemin. Ce chemin est la grande artère à laquelle se rattachent quantité de chemins de desserte qui sillonnent la forêt dans tous les sens.

Pendant la belle saison, la forêt d’Avignon est très fréquentée par les promeneurs sanclaudiens qui y trouvent : champignons, diverses fleurs, fraises, framboises etc. Elle est le but d’excursions très agréables.

QUELQUES CÉLÉBRITÉS D’AVIGNON

Avignon a vu naître les frères Gillot qui se sont distingués par leurs talents. La maison où ils sont nés existe encore en face la maison commune. L’aîné, Simon Gaillot (1633 – 1681) fut un sculpteur sur ivoire distingué. On sait que la sculpture sur ivoire fut en grand honneur au 17ème siècle. Les frères Rosset et d’autres acquirent une grande célébrité dans ce genre de travail et Simon Gaillot fut de ceux là.

Son frère cadet, Hubert Alexis (1640 – 1712) devint le premier géographe de Louis XIV. Ce titre honorifique atteste qu’on le tenait en haute estime dans le monde des savants. Ses atlas de géographie sont encore consultés de nos jours. Une gravure datant de cette date orne les murs de la salle de Mairie d’Avignon, souvenir dont la famille s’est dessaisie au profit de la Commune.

LE TURCO

Daniel Saintoyant dit “ Le Turco ” un enfant d’Avignon dont toute la vie aventureuse fut énigme d’un bout à l’autre, mérite une mention spéciale dans l’histoire locale.

Les anciens d’Avignon l’ont bien connu et ont encore à la mémoire les excentricités de cet homme original. Né à Avignon en 1821, ses parents lui firent donner une solide instruction primaire. Doué d’une intelligence très vive, d’une mémoire prodigieuse, il eût pu faire une brillante carrière à une époque où l’instruction ouvrait toutes les portes à celui qui cherchait à s’élever dans la hiérarchie sociale. Il n’en fut rien.

Esprit fantasque, il quitta la place qu’il occupait chez un avoué de St-Claude, s’engagea dans un régiment d’infanterie, sans donner de ses nouvelles à sa famille, prit un nouvel engagement dans un régiment de turcos, entra dans la musique du régiment et mena joyeuse vie, sans songer à son avenir.
Mais lorsqu’il fallut y songer il était trop tard.

Il rentra à St-Claude sans avoir obtenu une pension de retraité, désabusé de la vie et sans moyen d’existence. Il y demeura quelques années chez un neveu et finalement vint s’établir au village natal. Là il essaya de faire de la tournerie. Ses mains inhabiles et sa santé chancelante ne lui permettaient plus de mener la vie d’antan.

Sur ces entrefaites, eut lieu en 1872 une mission à laquelle “ Le Turco ” prit une large part. Il assista à tous les services religieux avec une ferveur apparente ou réelle. Il eut plusieurs entretiens particuliers avec le missionnaire. S’était-il converti, ou avait-il vu dans le cloître un refuge assuré pour ses vieux jours ? Quelque temps après, il quitta Avignon disant à un neveu qu’il allait visiter une exposition à Lyon et il ne reparut plus au pays.

Les parents ‘du Turco ” fort inquiets sur son sort furent toutes les démarches utiles pour suivre sa trace mais en vain. Le missionnaire dont il a été parlé aurait sans doute donné quelques renseignements à ce sujet mais il était lié par le secret professionnel. Tout ce qu’on put savoir c’est que Daniel Saintoyant avait passé quelques jours chez les Trappistes de la Dombe (Ain). Il avait quelques petites dettes et une maisonnette entourée de quelques terres au Petit Beauregard. Ses parents s’en désintéressèrent car ils n’en pouvaient jouir qu’au bout de trente années. La location du tout suffit pour payer les impôts mais personne ne voulut faire les grosses réparations. La maison est tombée en ruines et cette propriété dont personnes n’a voulu prendre possession ni en payer les impôts est tombée dans le domaine public.

On voit encore les débris de la maison près du sentiers des Trois Maisons à Beauregard. Telle fut la fin d’un homme qui eut ses heures de célébrité à St-Claude dans les réunions où l’on s’amuse. Le Turco était un joyeux compère. Ventriloque à ses heures, facétieux, il n’était jamais à court de boutades qui égayaient la société sans toutefois blesser personnes ni tomber dans la trivialité.

INCENDIE

Le 25 décembre 1862, un incendie éclata à Avignon dans la nuit de Noël.

Le feu se déclara à la maison des Bourbon Séraphin et il se communiqua rapidement à la maison attenante, celle de Saintoyant Germain qui flamba également. Heureusement l’intervention des pompiers de Saint-Claude et Cinquétral pu circonscrire le foyer d’incendie et préserver la maison de Bourbon Théophile qui était attenante. Les dégâts auraient pu être plus considérables si la neige n’avait recouvert la toiture des maisons qui étaient en majeure partie couvertes en bois (tavaillons)

MOUVEMENT DE LA POPULATION

1821 : 232 habitants
1826 : 205
1836 : 250
1841 : 260
1851 : 235
1872 : 196
1881 : 179
1896 : 177
1901 : 146
1926 : 205


D’après les recensements effectués à diverses époque, on peut se rendre compte du mouvement de la population. On remarque que depuis le bien-être s’est fait sentir à Avignon ; c’est à dire à partir de 1870, il y a eu un fléchissement notable de la population. Le dernier recensement accuse une légère augmentation, grâce à l’élément étranger qui est venu s’établir dans la commune.

Les causes de la dépopulation d’Avignon sont de différentes natures. L’exode de certaines familles qui sont venues s’établir à Saint-Claude, y a contribué pour une part. D’autre part, le manque de natalité a fait le reste. Autrefois, les familles comptant de 5 à 10 enfants n’étaient pas rares ; celles qui étaient en dessous de ces chiffres étaient l’exception.

Si l’on remonte à 1747, on s’aperçoit que les familles Favier, Vuillerme, Reymond, Jeantet, Comoy, Colin, Patillon et Goy étaient les plus anciennes et les plus nombreuses.
Combien en reste-t-il aujourd’hui ? Quelques rejetons seulement tant à Avignon qu’à St-Claude

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